Emmanuel Macron reçoit des mains du Pape le titre de Chanoine du Latran que Georges Pompidou, François Mitterrand et François Hollande avaient refusé au nom de la séparation de l’Église et de l’État. En ces temps « d’Europe chrétienne », il ne pouvait pas refuser cet honneur qui ne semble pas lui déplaire et dont il se sert pour s’exonérer de toute responsabilité en se réfugiant dans une polémique avec les autorités italiennes qui convient à ses desseins. L’art de se donner le beau rôle.
À l’instigation de Matteo Salvini, la crise politique européenne se poursuit. Les réfugiés du navire de l’ONG Lifeline sont toujours interdits de débarquement en Italie. Une solution « européenne » serait en cours de négociations, qui reposerait sur un débarquement à Malte suivi d’une répartition des réfugiés. À bord de ce petit bâtiment, les conditions de vie des réfugiés, épuisés par une semaine de mer, se sont considérablement détériorées.
Les intentions du ministre, qui ne s’embarrasse pas de tractations et préfère prendre l’initiative sont très claires. Ce week-end dernier, il a d’abord confié aux garde-côtes libyens la coordination des sauvetages en mer, au détriment des autorités maritimes italiennes, excluant désormais l’Aquarius, de retour sur zone, ainsi que le navire ProActiva des opérations de sauvetage. Puis, lors d’un voyage éclair en Libye, il a cherché à obtenir que les réfugiés secourus en mer soient systématiquement reconduits dans des camps restant à construire dans le sud du pays. Ne l’obtenant pas, il s’est rabattu à son retour à Rome sur la création d’une « mission technique » avec des participants de l’Italie, du Niger, du Tchad et du Mali. Sans vouloir leur faire de procès d’intention, les mesures et démarches du ministre de l’Intérieur italien arrangent bien les affaires des participants au dernier mini-sommet, qui n’ont devant eux qu’un sommet formel qui se présente de manière toute aussi désastreuse.
« La crise est politique avant d’être migratoire » excipent les autorités françaises pour justifier qu’elles font la sourde oreille devant la tragédie qui se joue à nouveau en mer, en attendant que la voie menant à l’Italie soit définitivement interrompue. Elles incriminent les forces montantes d’extrême-droite, mais se gardent bien d’en chercher les causes dans leur politique de restrictions budgétaire et de réformes libérales. L’accroissement des inégalités n’est pas dans leur viseur. Avec leurs coreligionnaires européens, elles sont les premières responsables de la désespérante situation actuelle et ont trouvé une occasion peu glorieuse de le masquer.
Qui aurait pu prédire que la crise politique, dont de nombreuses manifestations se sont déjà imposées, pourrait aller jusqu’à mettre en cause le pouvoir d’Angela Merkel à la tête de la première puissance européenne ? Même si elle parvient à se maintenir en place, la main de la CSU tremblant, elle est désormais très fragilisée et il peut être encore moins attendu d’elle par Emmanuel Macron.
L’Europe était jusqu’alors décrite comme fracturée entre Nord et Sud, mais cette vision n’est plus d’actualité. De plus en plus de pays sont sous l’emprise des effets des « valeurs » de l’extrême-droite, et la contagion s’avère irrésistible. Afin d’y résister, les partis traditionnels croient utile d’abandonner leurs propres « valeurs » traditionnelles, mais ils font le lit de l’extrême-droite. Une dynamique très dangereuse et enclenchée.
La crise politique ne débouche pas sur une mise en cause de ses origines, la politique de sortie de crise qui n’a fait que l’approfondir. Le capitalisme impose sa fuite en avant et trouve chaque fois que l’occasion se présente des traductions politiques totalitaires s’accordant avec son développement oligarchique. La mutation est en cours.
Mutation , ça serait pas mal , et en tous cas ça laisserait une place à des options .
On a plutôt le sentiment d’un fil de l’eau , sous contraintes de forces que l’on ne sait ou veut pas repérer et moduler .
Avec un FMI qui soutient les pays en difficulté comme la corde soutient le pendu, des transnationales pillant et détruisant les écosystèmes, et une trajectoire à +4/5° d’ici à la fin du siècle, on imagine très mal que des hotspots ou des unités de garde-côtes suffiront à arrêter des centaines de millions d’êtres humains fuyant des terres devenues inhabitables.
Deux voies différentes sont dès lors envisageables :
1- Changer nos modes de productions et d’échanges commerciaux pour qu’ils deviennent soutenables pour les écosystèmes, tout en aidant les pays pauvres afin que les jeunes gens aient d’autres choix que la misère, l’exil, le banditisme ou le terrorisme.
2- Nous transformer en nazis barricadés derrière de hauts murs (mais protégés par des systèmes d’armes létaux autonomes chargés d’exterminer, loin des caméras, la sous-humanité qui s’en approcherait de trop près).
Naturellement, la première solution qui consiste dans les faits à sortir du capitalisme et du rapport de force, pour rentrer dans l’âge de la coopération, est totalement impossible.
Tous les gens pragmatiques et réalistes vous le diront.
Pour ce qui est du 1 , solution éminemment enviable , une des conditions sine qua non , c’est aussi que socio-politiquement on soit près côté « donneur » et côté » receveur » .
C’est ce qui a pu me faire écrire à propos de l’Afrique et du reste du monde , qu’on cherchait des deux côtés qui avait l’ambition et le talent de se projeter dans un avenir vivable en commun .
Le talent passe peut être par la « »mutation » du système économique , mais l’ambition ?
Les premières « images » du drame qui se noue auront elles la vertu de pousser à l’une et à l’autre , et ne sortira-t-on du crime mondial que lorsqu’il sera évident qu’il ne profite plus à personne ?
« On soit prêt …. » !
La solution n°1 constitue, pardon pour les grands mots, une véritable révolution anthropologique. Si celle-ci semble difficile, voire impossible, elle peut être facilitée par les technologies de l’information qui pour la première fois dans l’histoire humaine nous donnent la possibilité de partager les mêmes imaginaires d’un bout à l’autre de la planète tout en unifiant le temps (la coupe du monde de football en ce moment, ou dans un registre plus dramatique la chute des tours du WTC par exemple).
Il ne s’agit pas d’uniformisation comme le souhaiteraient les tenants du néolibéralisme (tous ubérisés et nikés de la tête aux pieds de Shanghai à Tombouctou), mais de quelque chose qui pourrait être le prélude d’une société mondiale, celle qui clôturerait le cycle de la grande diaspora humaine qui a vu nos ancêtres quitter – à plusieurs reprises semble-t-il – leur berceau africain.
De toutes les manières, le réchauffement climatique (avec la question angoissante de savoir où se situent les points de bascule) et la sixième extinction en cours, ne nous laissent d’autres choix que la coopération ou l’extinction. Et la coopération implique de devoir radicalement changer nos modèles politiques, qui de l’UE aux US ou à la Chine, sont incapables de s’adapter à la nouvelle donne. Évolue ou crève en quelque sorte…
Curieux, « clôturera », plutôt ‘renouvellera’ ou ‘prolongera’, et j’ai le ferme espoir, encore et encore. Parce que ‘on’ évoluera et coopérera. L’imprévu…
C’est un détail mesquin. L’immédiat est effectivement gris.
Effectivement, le verbe et la phrase peuvent être sujets à interprétation. En fait j’essayais de sous-entendre – maladroitement – que depuis la disparition de Neandertal, il n’existe plus qu’une seule espèce humaine sur cette planète et que malgré une assez grande diversité morphologique, la diversité génétique au sein des populations humaines est très faible. Signe de fragilité pour Sapiens, dernier rameau du genre Homo, marquant que nos ancêtres communs quel que soit notre phénotype, sont très proches de nous sur l’échelle des temps (certaines théories expliquent cette faible diversité par une catastrophe – géologique ? astronomique ? pandémie ? – ayant pratiquement fait disparaitre nos ancêtres).
Par « clôturer » j’entendais la prise de conscience, après notre dissémination sur l’ensemble de la planète et l’adaptation de nos phénotypes aux conditions climatiques locales, que génétiquement « nous sommes un » : une seule et même humanité.
Vous devriez écrire dans mediapart
Afin d’être plus lus
Jacques
Oui mais comme ailleurs, chez Médiapart ils disent ‘migrants’ et pas ‘réfugiés’… 🙂
« La crise politique ne débouche pas sur une mise en cause de ses origines, la politique de sortie de crise qui n’a fait que l’approfondir. Le capitalisme impose sa fuite en avant »
La recherche de l’étiologie des pathologies dans les populations animales est mon domaine de spécialité. Il y a toujours des limites de « survie » qui n’ont pas été pris en compte et qui apparaissent « ex nihilo », prenant la bien-pensance locale par surprise. Autrement dit, il y a toujours autour de nous des paramètres inconnus qui à un moment inattendu vous reviennent à la figure, plus ou moins douloureusement. Parmi les « règles de survie du parc humain », le Kapitalisme prétend abuser de tout ce qui pourrait se vendre mais l’écologie a posé des paramètres limitants qu’il prétend ignorer jusqu’à ce qu’ils nous reviennent violemment à la figure. C’est aussi le message des boat peoples.