Simulacre en Grèce afin d’éviter le trop plein

Devant l’accumulation de problèmes, la page grecque devait être impérativement tournée. Point trop n’en faut. Mais c’est à un simulacre que la dernière réunion de l’Eurogroupe nous fait assister, qui consiste pour l’essentiel à repousser de dix ans, en 2032, le moment où les grecs devront rembourser les prêts européens. Les négociations finales ont été ardues, mais elles ont finalement abouti, car c’est à ce prix que la page pouvait être affichée comme tournée.

De soulagement, le commissaire Pierre Moscovici a salué un moment qui ne pouvait dans sa bouche être qu’historique. « La crise grecque s’achève ici » a-t-il imprudemment prédit. Au nom du FMI, Christine Lagarde ne s’y est pas laissée tromper. Ce reprofilage de la dette la rend soutenable à moyen terme, mais pas à long terme. Le FMI ne préconisait d’ailleurs pas ce genre d’allégement mais une restructuration. Significativement, il a d’ailleurs été décidé de refaire si nécessaire un point sur la dette grecque en 2032, à la nouvelle échéance du démarrage de remboursement des prêts européens. Une précaution qui en dit long sur ce que pensent en leur for intérieur les artisans du simple report du remboursement en capital et en intérêts qui a prévalu. Mais en 2032, il est fort probable qu’aucun des participants à la réunion de l’Eurogroupe d’hier n’en sera plus membre…

Au cours des dernières tractations, les autorités allemandes ont pesé de tout leur poids pour obtenir que de lourdes mesures de surveillance soient décidées, une fois le troisième « plan de sauvetage » en cours terminé. On ne se refait pas. Rien qui soit assimilable à un 4ème plan de cette nature a entonné le chœur des hypocrites, bien que cela y ressemble singulièrement. Le gouvernement grec devra en passer par là, notamment s’il veut récupérer les profits réalisés par les banques centrales membres de l’Eurosystème, où la BCE les a réparti. Il a été à ce sujet révélé que la Bundesbank a réalisé à elle seule 2,9 milliards d’euros de profit sur les titres souverains grecs entre 2010 et 2017.

La Grèce est passée aux pertes et profits d’une politique qui a failli, ce qu’aucun gouvernement européen ne veut soulever, tout occupé à s’aménager des marges de manœuvre ou à attendre que la contestation vienne à maturité pour la rejoindre. Le problème est qu’elle a pris un biais xénophobe inattendu qui se généralise. D’accès plus faciles et vulnérables, les réfugiés sont devenus des boucs-émissaires ayant pris la succession de banques inatteignables. La gauche reste sans voix et la droite en sort bousculée.

6 réponses sur “Simulacre en Grèce afin d’éviter le trop plein”

  1. Ahh ! Les délices de la novlangue où un plan de licenciement massif s’appelle plan de sauvegarde de l’emploi, où dépecer un pays, le transformer en protectorat et réduire sa population à la misère, s’appelle un plan de sauvetage.

    Dans le même ordre d’idée, celui des pompiers pyromanes, voici Macron qui nous met en garde contre ‘la lèpre qui monte en Europe’. Si ça n’était pas si tragique, la saillie serait très drôle et digne du nonsense des Monty Python.

  2. Coucou,
    questions betes ou simplistes en vrac:

    Pourquoi la grèce n’a elle pas fait defaut sur sa dette ?
    L’euro aurait il implosé ? SI oui, peut on dire que les grecques sont les sauveurs sacrifiés de l’euro ?
    Qui possede la dette grecque ?

    Peut on imaginer un mécanisme d’aide à une région etat de l’europe en transformant les interets eternels en investissements locaux (sante, reseau routier , etc) histoire de le faire sans le dire, pour que tout le monde soit content ?

    Bonne journée

    STéphane

    1. L’article date de mai 2016 mais montre clairement que les investisseurs privés se sont délestés de la dette grecque au « profit » des états. C’est-à-dire qu’en cas de défaut, ce sont les contribuables qui régleront la facture suivant la bonne vieille règle de la privatisation des profits et de la collectivisation des pertes.

      https://www.la-croix.com/Economie/Monde/A-appartient-dette-grecque-2016-05-10-1200759105

      Quant à savoir pourquoi la Grèce n’a pas fait défaut sur sa dette, la réponse me semble évidente. Le pays est comme tous les autres, dirigé par une oligarchie qui n’a certainement pas envie que la musique s’arrête.

  3. Je ne peux que recommander ce très fouillé article de Martine Orange (Médiapart, hélas payant..) : https://www.mediapart.fr/journal/international/220618/l-europe-propose-la-grece-un-plan-de-sortie-irrealiste
    avec, en exergue, cet échange en commentaires :
    AA :  » Article biaisé idéologiquement. Le report d’échéance en capital et intérêt doit permettre à la Grêce de baisser progressivement son ratio [dette publique/PNB] jusqu’à un niveau tenable puisque la croissance revient « …
    BB :  » Pour une fois que l’on a sur la Grèce un article objectif, précisément documenté, avec une analyse réfléchie et une grande cohérence dans l’évaluation, on pouvait s’attendre d’un idéologue de service qu’il le trouve « biaisé idéologiquement ».
    Et cet idéologue sans doute autoproclamé « libéral » de la « croissance qui revient » ( après plus de 30% d’effondrement du PIB !) oublie tout simplement la question que Martine Orange nous explique très calmement : avec quoi la Grèce va t’elle financer sa croissance, vu qu’elle va consacrer tous ses moyens financiers à rembourser sa dette ?
    Donc, AA, expliquez-nous avec quoi les grecs vont financer leur croissance
    ? « …
    (((… pas de réponse, bien entendu … )))

  4. Oui ces deux articles de La Croix et de Mediapart expliquent bien les choses.
    Il semble même que certains responsables, dont Christine Lagarde, pensent qu’à long terme « ça ne tient pas ». Ce serait donc une dette « insoutenable ». Mais peut-on argumenter aussi que c’est une dette illégitime ? Par exemple, les grecs ont emprunté pour des dépenses militaires inconsidérées ? Et les marchands d’armes (français) ont profité de ce pactole pour s’enrichir de façon irresponsable ? Ces arguments sont-ils possibles ?

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