Le nouveau gouvernement italien a choisi sa ligne de conduite destinée à durer. Deux offensives sont parallèlement menées. La première sur les thèmes xénophobes, pain béni en raison de leur retentissement, la seconde en politique étrangère vis-à-vis de la Russie dont le premier ministre a demandé le retour au sein du G7.
L’interdiction de débarquer les réfugiés des bateaux des ONG édictée par Matteo Salvini en tant que ministre de l’Intérieur, est à double détente. Il ne se contente pas de flatter une partie de l’opinion publique italienne qui le soutient mais il appuie aussi sur les contradictions européennes qu’il exacerbe. Il circulait dès lors dans toutes les têtes un mauvais remake de l’Exodus, mobilisant sans retard la Commission, le HCR, et le gouvernement allemand sur le thème que le « devoir humanitaire » devait être respecté.
Le gouvernement français faisait sans gloire silence, mais Pedro Sánchez proposait d’accueillir à Valence les réfugiés bloqués sur l’Aquarius, sur proposition d’Ada Colau, la maire de Barcelone. Ce qui a donné l’opportunité au président de l’exécutif corse, l’autonomiste Gilles Simeoni, d’inviter SOS Méditerranée qui gère le navire à faire escale dans un port de l’île, refusant de s’interroger pour savoir si cela relevait de sa compétence. Ou Luigi de Magistris, le maire de Naples, d’en faire autant en bravant les ordres du ministre, ainsi que les maires des villes portuaires des Pouilles et de Sicile.
Matteo Salvini avait choisi la bonne victime avec l’Aquarius, qui était surchargé avec 679 réfugiés à la demande du centre de contrôle italien. Démuni de vivres et le temps se gâtant, il ne pouvait prendre le risque de rejoindre le port de Valence, à trois ou quatre jours de mer, une fois l’invitation espagnole lancée.
Les autorités maritimes italiennes décidaient d’envoyer en renfort un navire militaire et un garde-côte afin de se répartir les réfugiés, déjà épuisés, après les avoir transbordés en haute mer, afin de voguer tous trois ensemble vers l’Espagne, écartant l’Aquarius de son périmètre d’action.
Que va-t-il se passer pour la suite ? SOS Méditerranée a déjà annoncé que l’Aquarius reviendrait à son poste de vigie et à ses activités de sauvetage une fois ses passagers à terre sains et saufs. Mais ni l’Italie ni Malte n’ayant cédé, où les prochains réfugiés pourront-ils être débarqués la fois suivante ? La ministre de la Justice espagnole Dolores Delgado a évoqué la possibilité d’une « responsabilité pénale internationale » des États refusant d’accueillir les migrants, une cour pourrait-elle s’en saisir ?
Du temps est nécessaire afin de préparer un plan « B » permettant de financer le programme gouvernemental sans dérapage budgétaire officiel et sortie de l’euro à la clé. Le projet de monnaie parallèle libellée en euro est au centre de ce dispositif. En attendant que les conditions en soient réunies, le gouvernement italien a donc choisi son terrain d’intervention, sur le dos des réfugiés. Matteo Salvini est le méchant flic dans cette affaire, et cela lui profite. Mais la responsabilité de ceux qui ont laissé pourrir la situation en Italie est indéniable.
PS : Emmanuel Macro a depuis dénoncé le « cynisme » et l’ »irresponsabilité » des Italiens. Un concours serait-il lancé ?
Salvini est sans doute plus malin qu’on l’imagine. Il fait une pierre deux coups et renvoie la balle dans le camp des européens montrant ainsi au grand jour leur peu de solidarité, leur incapacité à résoudre le problème malgré un verbiage et une agitation stérile sans fin. Il se fera sans doute un malin plaisir à poursuivre sur cette voie sur d’autres sujets.
La grande difficulté du sujet des migrants en masse est qu’une solution modérée en termes de contrôle des frontières est impraticable.
La plupart des gens en Europe se satisfont je crois d’une immigration assez importante, pas totalement légale, mais qui reste cependant dans certaines limites. Peu sont véritablement prêts soit à totalement fermer les frontières, soit à les ouvrir sans limites.
Or les deux seules solutions stables à la question de l’immigration en masse sont celles là.
Soit accepter une immigration en masse qui venant d’un continent très jeune et dont la connaissance du monde extérieur a beaucoup grandi ne pourra qu’être structurellement massive et de longue durée : peut-être jusqu’à plusieurs millions de personnes chaque année. Et s’adapter en conséquence, ce qui suppose d’en prendre les moyens. Et pas seulement financiers.
Soit la refuser, ce qui suppose de prendre les moyens de la décourager. Donc de renvoyer systématiquement les immigrants arrivés par bateau sur les plages de Libye. Militairement possible, mais pour le moins brutal.
Il n’y a guère d’autres options que ces deux-là. Stephen Smith fait justement remarquer que le développement ne freine les flux migratoires qu’à très long terme. Au début, il les accélère. Et nous sommes encore très proches du début.
Curieux de connaître un peu plus la thèse de Stephen Smith, et de mieux connaître les motivations des émigrés. Il me semblait que la première des motivations était celle d’une jeunesse ayant le sentiment de ne pas avoir d’avenir dans son propre pays, par détresse, dénuement économique, et prêt à s’arracher à sa faille, à ses proches, à sa culture d’origine, etc…et donc, que là aussi, une réponse à la « crise migratoires » était de penser un autre modèle de developpement. Vrai ou faux ?
Stephen Smith est un spécialiste de l’Afrique. Je recommande notamment son dernier livre « La Ruée vers l’Europe », qui est un essai de géographie humaine factuel et appuyé sur de solides connaissances sur le sujet des migrations d’Africains vers l’Europe dans les décennies à venir, des racines de la pression migratoire actuelle et future et des positions et scénarios possibles.
Cet entretien peut en donner une idée : http://afrique.lepoint.fr/actualites/afrique-stephen-smith-on-n-a-jamais-connu-une-telle-pression-demographique-02-02-2018-2191522_2365.php
Un fait fondamental que Smith rappelle justement c’est que ce ne sont pas les plus pauvres qui émigrent, mais plutôt ceux qui ont déjà la tête hors de l’eau, qui peuvent rassembler un petit pécule pour financer leur émigration, et pour commencer en avoir même l’idée : les plus pauvres et les moins instruits n’ont guère d’idée suffisante du monde extérieur pour ne serait-ce que l’envisager.
La conséquence, c’est que le développement d’un pays commence par augmenter le nombre de candidats au départ, avant – beaucoup plus tard – de le diminuer. Le parallèle avec l’immigration mexicaine aux Etats-Unis est éclairant : elle a duré des décennies, et n’a commencé que récemment à se tarir, parce que la différence de prospérité entre les deux voisins commence à être suffisamment petite pour que les candidats au départ soient moins nombreux.
Or, l’Afrique se développe, mais elle n’en est qu’au début. D’autre part, le rapport des populations n’est pas du tout le même entre Afrique subsaharienne et Europe qu’entre Mexique et Etats-Unis. D’où une pression prévisible beaucoup plus élevée au cours des décennies qui viennent que celle que les Etats-Unis ont reçu de la part du Mexique dans les décennies passées.
L’une des questions, c’est la possibilité que l’échelle différente du phénomène migratoire ne change sa nature. Car enfin, même si beaucoup d’Américains en ont contre les immigrés mexicains, dans l’ensemble les choses ne se passent pas trop mal, et les immigrés deviennent de nouveaux Américains, et au final des Américains tout court.
Est-ce possible, à une échelle plusieurs fois supérieure, entre Afrique et Europe ?
Je pense que le « Oui » et le « Non » sont tous deux difficiles :
– Si la réponse collective des Européens est « Oui », alors des adaptations très profondes devraient être nécessaires pour que l’intégration de cent millions ou davantage d’immigrés jeunes et peu formés soit un succès
– Si la réponse collective des Européens est « Non », alors des politiques dures seront nécessaires pour appliquer une telle décision, en pratique pour décourager suffisamment les volontaires à l’émigration, beaucoup plus dures que de subventionner un pays pour qu’il joue le rôle de portier (l’Allemagne vis-à-vis de la Turquie) ou des seigneurs de guerre (l’Italie vis-à-vis de la Libye)
L’une comme l’autre réponses sont difficiles.
A ce jour, c’est au mieux la navigation à vue, au pire l’indifférence ou les « coups » médiatiques. Et les partisans du Oui (Merkel) comme ceux du Non (Salvini) ne sont pas plus responsables les uns que les autres, je veux dire qu’ils ne semblent pas prêts à penser complètement leur réponse, et surtout ses conséquences. Ce qui permettrait dans un cas comme dans l’autre de proposer des politiques complètes. Et ensuite les peuples trancheraient.
A assez brève échéance, je soupçonne que nous serons bien forcés d’être plus sérieux.
Ah bon et sérieux comment Jacquot ?
Emmanuel Macron : Cynique ! Irresponsable !
Giuseppe Conte : Donneur de leçons ! Hypocrite !
https://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2018/06/12/polemique-autour-du-silence-de-la-france-sur-la-situation-du-bateau-humanitaire-aquarius_5313555_1654200.html
https://www.corriere.it/cronache/18_giugno_12/aquarius-maio-francia-ha-scoperto-responsabilita-apra-porti-0da98470-6e47-11e8-8b7a-7cd126a9fdbd.shtml
On attend maintenant avec impatience la mise en place de la monnaie parallèle (à Washington, Moscou et Pékin aussi !), histoire de voir si le Royaume-Unis qui sort en rentrant va croiser l’Italie qui reste en sortant.
Et moi qui pensais que l’on ne pouvait pas faire pire que les sketchs de Benny Hill …
Cinq minutes de « bonheur »(coupable..) dans ce monde de brutes..
https://www.youtube.com/watch?v=2js1RAvzVoo
Heureusement que Macron vient de nommer PDG du groupe Radio-France sa condisciple de l’ENA, Sibylle Veil, avec pour première mission de divertir et d’instruire correctement les auditeurs.
PS : le bruit des bottes remplacé par le silence des pantoufles, formule géniale !