C’est l’heure où les scénarios de la crise italienne sont déposés. Hier, il était évoqué un remake improbable de la Grèce, le gouvernement de coalition pliant à l’image de Syriza. Une toute autre histoire peut être analysée aujourd’hui.
Il est entendu que le programme de la coalition italienne le conduit droit dans le mur s’il est appliqué, entrainant un déficit budgétaire hors normes. Mais le futur gouvernement italien dispose de trois moyens pour se donner de substantielles marges de manœuvres. Précisément ceux que la Ligue et M5S ont supprimé et qui figuraient dans leur projet initial d’accord, afin de le rendre plus présentable dans l’immédiat.
Ils reprenaient la revendication, exprimée auparavant par Matteo Renzi, de ne pas comptabiliser les investissements dans le calcul du déficit budgétaire. Et ils y ajoutaient l’abandon de 250 milliards d’euros de créances de la BCE ainsi que la création d’une monnaie parallèle libellée en euros.
Cet abandon de créance viserait à compenser l’augmentation prévisible des taux obligataires sur le marché. Et la création d’une monnaie parallèle – dont il était indiqué qu’elle serait étudiée, signifiant que sa formule n’était pas arrêtée – permettrait au gouvernement de régler certaines de ses dépenses sans accroître son déficit budgétaire. On pense aux retraites.
Associé à l’étalement dans le temps des mesures les plus dispendieuses, ces trois moyens permettraient à la coalition gouvernementale de ne pas rapidement franchir le Rubicon et de jouer le murissement de la politique européenne, plaçant les gouvernements devant une inéluctable sortie italienne de l’euro qu’il leur reviendrait de déclencher. À condition toutefois que cela prenne nettement moins de temps pour se mettre d’accord entre eux que pour la Grèce !
Il est difficile de se faire des illusions sur l’attitude d’autorités allemandes que la crise italienne renforce dans leurs certitudes. Bien que, pour donner un aperçu de ce que représenterait une sortie de l’euro, la banque centrale italienne devait 443 milliards d’euros en mars 2018 à ses partenaires au sein du système Target 2, dans une large mesure à la Bundesbank. Ce qui représente tout de même un sérieux repoussoir.
La fin de ce scénario n’est pas écrite. Mais il n’est pas interdit de rapporter, pour l’alimenter, que Mariano Rajoy joue aussi avec les allumettes en Espagne avec son projet de budget qui multiplie les cadeaux électoraux. En se rappelant que son gouvernement a encore dernièrement appuyé une reconfiguration de l’Union européenne façon Macron.
Les deux dynamiques qui s’affrontent ne sont pas compatibles. À la manière des avis placardés dans les transports publics, ceux qui souhaitent que les fenêtres soient fermées devraient avoir gain de cause. Comment y échapper ?