Facebook : un mea culpa ne suffira pas

Mark Zuckerberg va-t-il pouvoir s’en tirer ? Auditionné par une commission du Sénat aujourd’hui et une autre de la Chambre des représentants demain, il a commencé à gravir son chemin de croix. Pour soulager sa peine, après avoir tenté de se faire représenter devant les élus américains, il a annoncé qu’il ne se rendrait pas personnellement à toutes les convocations qui pleuvent en Europe. Pourra-t-il s’y tenir ?

Sa tactique est de multiplier les mea culpa, comme si ses excuses personnelles valaient pardon et qu’il était possible d’en rester là. Et, reconnaissant la faute, de la circonscrire en ne faisant état que des manipulations politiques que les données recueillies par Facebook ont permis de réaliser afin de mieux exonérer leurs utilisations commerciales et de ne pas mettre en cause son modèle économique.

« Il est évident aujourd’hui que nous n’avons pas fait assez pour empêcher ces outils d’être utilisés de façon malintentionnée », a-t-il reconnu, le ciblage marketing n’en faisant visiblement pas partie.

Quand il reconnaît la nécessité d’une réglementation des activités de Facebook, c’est à condition « qu’elle soit bonne ». Et, en dernière ligne de défense, il admet que des versions différentes du service puissent dans l’avenir exister, la gratuité de l’une d’entre elles – qui recueillera le maximum de données et suscitera le maximum de business – étant maintenue. Au prétexte hypocrite qu’il ne faut pas faire de sélection par l’argent, reconnaissant de ce point de vue avoir pêché par « idéalisme » en pratiquant la gratuité totale… Le modèle économique sera si nécessaire revu marginalement pour sauvegarder l’essentiel.

Les sénateurs n’ont pas été dupes lorsque Mark Zuckerberg s’est à de nombreuses reprises réfugié derrière sa méconnaissance des faits pour ne pas répondre, ni quand il a réfuté que Facebook était un monopole tout en étant incapable de citer au moins un concurrent. En espérant que le temps allait jouer pour lui, le scandale s’éteignant et les élus de tous bords passant à autre chose, le patron de Facebook a déclaré qu’il faudrait du temps pour mettre en place les garde-fous indispensables, laissant entendre qu’ils protégeraient les données personnelles, mais de quoi ?

Facebook est fondamentalement un outil d’inquisition,  son fonctionnement et ses modules orientés vers la réalisation de cet objectif. L’ensemble doit être remis à plat. À quoi sert donc la collecte de toutes les données personnelles qui sont sa raison d’être ? Comment peut-elle être simplement refusée, ou à défaut limitée et strictement encadrée ?

La cause est loin d’être encore entendue.

7 réponses sur “Facebook : un mea culpa ne suffira pas”

  1. Il va récompenser « les » lanceurs d’alerte (choisis par qui ?), il va promettre aux représentants des clients européens des dédommagements…, bref, il a des réserves de verroterie pour sauver l’essentiel, ce qu’il appelle « notre mission de connecter les gens », et qui est son modèle économique de propagande, de profilage, d’inquisition. Vous dites bien.

  2. « Il est évident aujourd’hui que nous n’avons pas fait assez pour empêcher ces outils d’être utilisés de façon malintentionnée »…

    La seule chose qu’il se reproche, et d’ailleurs qu’on lui reproche, c’est d’avoir mis « ces outils » au service de Trump.
    Ç’aurait été Clinton ou Coca-cola, ça ne dérangerait personne. Ça ne dérange personne.

  3. Facebook n’est que la partie visible de l’iceberg. Et depuis des années, la chasse est lancée sur cette nouvelle mine d’or du « big data ». Les GAFA ont donné le la : Amazon tire une grosse partie de son « business model » des flux de données ; Microsoft a acheté il y a quelques temps Linkedin, qui n’est autre chose qu’une énorme base de données professionnelles, devenue ordinaire pour une catégorie croissante de personnes ; et les exemples font flores… Le « profiling » est devenue chose ordinaire dans le milieu du recrutement par exemple. Et par parenthèse, je me souviens d’un petit reportage lors des élections américaines, qui montrait une équipe de militants démocrates travaillant d’arrache pied pour convaincre les électeurs d’un quartier, en exploitant une base de données individuelles, et pour convaincre un a un ces électeurs, et en ciblant bien entendu ceux que l’on pourrait faire « basculer » dans le camp démocrate, ou les faire voter seulement….Tout cela tourne au malsain, voire au dangereux, menaçant terriblement certains principes d’intégrité des personnes et de manipulation 2.0 à très grande échelle. La bavure récente avec Facebook n’est donc qu’une toute petite partie visible de l’iceberg…

    1. Ben là, même ffox met en garde ses utilisateurs face à cette dérive amorçée depuis un bon moment, c’est clair.
      Et les US veulent s’inspirer du RGPD européen de protection des données…comme quoi…

      « Au moment où l’Union européenne renforce les obligations pesant sur les entreprises et le pouvoir de sanction des autorités, l’arsenal américain apparaît bien faible. « Longtemps moquée, la nouvelle protection européenne des données est regardée avec une certaine envie », indiquait mardi le site de « Wired » . Début avril, un éditorial du « New York Times » appelait déjà à la mise en place de règles équivalentes outre-Atlantique. »

      « L’Europe ne pouvait pas rêver une plus belle vitrine pour son règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD), qui entrera en vigueur le 25 mai prochain. Le RGPD a été évoqué lors des deux auditions de Mark Zuckerberg à Washington, mardi devant le Sénat et mercredi devant le Congrès. Les révélations sur la façon dont Facebook a permis à Cambridge Analytica d’ aspirer les données de 87 millions d’utilisateurs ont montré à quel point les protections ne sont pas équivalentes sur les deux continents. »
      https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0301497299004-protection-des-donnees-lamerique-peut-elle-suivre-leurope-2168675.php

      « Loi données personnelles, dernière étape ? Le Parlement doit défendre ses avancées »
      https://www.laquadrature.net/fr

  4. Qwant is cool .

    « Qwant, c’est le petit Poucet des moteurs de recherche. Il nous permet, comme les moteurs américains, de ne pas nous perdre dans l’univers Internet avec une particularité : ses services respectent notre vie privée. À l’inverse de Google et des autres, il n’enregistre pas nos données personnelles ou nos historiques de navigation pour en faire commerce. »
    http://www.rtl.fr/actu/futur/qwant-facebook-le-petit-poucet-de-l-internet-honnete-7792955403

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