En ces temps de disette budgétaire, la Commission de Bruxelles n’échappe pas au lot commun en entrant dans la préparation de son prochain budget pluriannuel pour la période 2020-2026. Il est loin d’être bouclé, ce qui l’a conduit à lorgner du côté de la BCE, porteuse des solutions désespérées et des financements rêvés par les iconoclastes.
Immanquablement, ses dépenses augmentent et de nouvelles missions s’ajoutent aux précédentes, comme le financement des investissements au sein de la zone euro cher au président français, tandis qu’avec le départ du Royaume-Uni les recettes diminuent, car malgré le rabais obtenu par Margaret Thatcher, le pays est contributeur net.
Côté dépenses, la Commission explore la mise en place d’un dispositif de prêts à conditions privilégiées et de dons limités pour les pays traversant une mauvaise période, mais il faut en trouver le financement. Or la piste de la diminution des dépenses ne mène à priori pas loin, sauf à tailler dans les crédits de la politique agricole commune (PAC) qui compte pour 43% de son budget de 130 milliards d’euros, et à s’opposer frontalement aux gouvernements allemand, espagnol, italien et français, dont les agriculteurs sont les grands bénéficiaires. Côté recettes, les gouvernements européens continuent de freiner les tentatives d’augmenter les ressources propres de la Commission, au prétexte qu’elles se font à leur détriment.
Comment boucher le trou ? Si l’Allemagne a déjà déclaré être prête à y contribuer, sans indiquer le niveau de sa contribution supplémentaire, les Pays-Bas et l’Autriche se refusent par avance à un tel geste. La Commission cherche donc malgré tout de nouvelles sources de revenus. Elle étudie l’instauration d’une taxe sur les cartes de crédit à propos de laquelle Günther Oettinger, le commissaire au budget, publiera courant mai prochain une proposition. Elle s’interroge également sur l’ouverture d’un accès aux revenus du seigneuriage de la BCE.
Ces revenus résultent de la différence entre la valeur faciale de la monnaie qu’elle émet et son coût de production et de distribution. S’y ajoutent les intérêts des banques lorsqu’elles viennent s’y refinancer. Actuellement, ils sont pour l’essentiel redistribués aux banques centrales nationales des dix-neuf membres de la zone euro. Que la Commission en bénéficie également représenterait pour elles un manque à gagner et imposerait un changement du statut de la BCE, ont-elles fait sans attendre remarquer. Il ne faudrait d’ailleurs pas en escompter des résultats mirifiques. Comment la balle va-t-elle rebondir ?
Les choix budgétaires se tendent, la Commission finançant de vieilles missions dont elle a du mal à se désengager et devant faire face à de nouvelles alors que ses ressources diminuent. Cela impose des choix politiques, mais on peut douter que les autorités européennes soient dans l’état adéquat pour y parvenir, chacun défendant son pré carré plus que jamais. Mais il va bien falloir trouver une issue.
À son tour, la Commission est touchée par la rigueur budgétaire, cette fois-ci indirectement, ce qui explique la célérité avec laquelle l’Allemagne a déclaré vouloir accroître sa contribution, pour que ne soit pas mise en cause sa politique de restriction budgétaire par ailleurs.