Billet invité.
Avec les élections italiennes qui s’approchent, un autre casse-tête politique européen s’annonce. Aucun des partis ou des coalitions qui se présentent ne pourraient prétendre à la majorité, selon les derniers sondages autorisés par la loi à être rendus publics.
Le propos devrait être nuancé, des millions d’électeurs ne sachant encore s’ils vont voter, et pour qui si c’est le cas. Aux élections de 2013, les instituts de sondage avaient crédité le mouvement des 5 étoiles de 20%, il en obtint 25%. Mais les titres de la presse italienne ne sacrifient pas au doute : l’Italie ne sera pas gouvernable au sortir des élections du 4 mars. Par coïncidence, ce sera aussi la date à laquelle le résultat du référendum tenu auprès des adhérents du SPD sera rendu public en Allemagne.
Matteo Renzi, le leader du parti démocrate (PD), apparait d’ores et déjà comme le grand perdant, et c’est Silvio Berlusconi, de retour mais frappé d’une peine d’incapacité civile, qui mène la danse. Le parcours de Renzi illustre l’impasse dans laquelle se trouve l’Italie. Après avoir été encensé comme étant le candidat porteur de réformes et avoir séduit par sa jeunesse, devançant sur ces terrains Emmanuel Macron, il a rapidement été rattrapé par l’usure du pouvoir, s’étant révélé être son meilleur ennemi.
Après avoir rencontré un cuisant échec lors d’un référendum raté, il a finalement dû démissionner et tente désormais de revenir. Mais si le PD n’atteignait pas le seuil de 25% des voix, il n’aurait d’autre alternative qu’une retraite prématurée ou l’espoir lointain d’un rebondissement. Sa brillante trajectoire ne l’aurait pas mené bien loin, et l’Italie ne serait pas sortie de son trou d’air.
L’appartenance à la zone euro n’agite pas les foules italiennes. Si les grands partis ont pendant un temps ferraillé sur ce thème, ils ont depuis tiédi leur propos au fur et à mesure que l’échéance du pouvoir arrivait. Silvio Berlusconi a fait volte-face, le Mouvement des 5 étoiles ne parle plus de son référendum, et le PD a abandonné ses critiques du pacte de stabilité et des contraintes budgétaires. Confirmant cette tendance, analysant les manifestes électoraux des partis politiques, Giulia Pastorella de la London School of Economics a trouvé qu’ils ne leur consacraient que 10% de leur espace, contre 25% pour les questions sociales.
Il y a quelques raisons à cela. L’Italie n’a renoué avec la croissance qu’en 2014, après une longue stagnation et deux années de récession, et elle se traîne en queue de la zone euro avec un taux de 1,4% en 2017. Un autre indicateur apporte un éclairage plus significatif : le taux de chômage atteint 32,2% chez les 15-24 ans. En valeur absolue, le PIB italien n’a pas encore renoué avec son niveau de 2008 d’avant la crise. L’économie ne retrouve pas sa vigueur, ses performances en matière de productivité étant les plus faibles au sein du G7, et les banques débordent de crédits non remboursés (les NPL = non-performing loans = créances douteuses).
La réduction de leur stock passe par la consolidation d’un système bancaire très émietté de petites structures, à laquelle s’opposent des féodalités locales. Le stock des créances douteuses diminue lentement, mais la qualité du portefeuille se détériore, comme il est constaté en attendant. Les tentatives de titrisation n’apportant pas les résultats espérés, les banques sont renvoyées à la nécessité de se recapitaliser, ce qui implique une consolidation d’ampleur du secteur. Quels établissements européens pourront s’y employer, si ce n’est à la marge ? Le boulet risque d’être longtemps traîné.
La hausse des taux d’intérêt représente le plus grand danger, allant accaparer une part grandissante des ressources budgétaires en raison de l’énormité de la dette publique qui côtoie celle de la dette privée.
Troisième puissance économique de la zone euro, et bientôt de l’Union européenne lorsque le Royaume-Uni l’aura quittée, l’Italie porte en elle les plus grands défauts d’une Europe dont elle est membre fondatrice. Que pèsent, pour y faire face, les nouveaux projets de la Commission d’un budget d’investissement de la zone euro de 25 milliards d’euros sur 7 ans, soit un peu plus de 3 milliards par an, représentant 0,03% du PIB de l’Europe ? C’est une mauvaise plaisanterie à la mesure de ces temps de disette volontaire.
La Commission prévoit également la création d’un fonds de stabilité, dont le financement serait progressivement assuré au fil des années par des crédits garantis sur le budget européen, provenant du futur fonds monétaire européen (l’actuel MES reconfiguré), de contributions du budget européen et d’un mécanisme de levier financier, non défini, basé sur la contribution volontaire des États membres. C’est cette fois-ci hors de proportion avec ce que représenterait, s’il devait intervenir, la dimension financière du « sauvetage » de l’Italie.
1er mars, lancement de Décodages
Ma chronique va entamer une nouvelle vie. À partir du mois prochain, vous la trouverez tous les jours à l’adresse décodages