Billet invité.
Un accord de grande coalition a finalement été conclu à Berlin, dont le contenu détaillé n’est pas encore connu. Angela Merkel se dirige vers un quatrième mandat, si toutefois les militants du SPD entérinent l’accord. Cela n’aura pas été sans peine, obtenu grâce à des compromis adoptés à l’arraché. L’Allemagne est passée à côté d’un grand chambardement, et l’Europe avec.
Le repoussoir d’une nouvelle progression de l’extrême-droite en cas de convocation des élections et de perte prévisible de la majorité pour monter une nouvelle grande coalition sur le mode traditionnel ont été efficaces. L’accord devra toutefois être réévalué à mi-mandat au bout des deux ans, concession faite aux militants en raison de formules restant au stade des généralités. À noter que 24.000 nouvelles adhésions au SPD ont été enregistrées, soit 5% de son effectif, avant que la date limite figeant le corps électoral soit atteinte. Ce qui rend aléatoire toute tentative des instituts de sondage de percer le mystère de leur vote, qui va s’étaler durant trois semaines.
Le SPD a obtenu les postes de ministre des finances, des affaires étrangères et des affaires sociales, Angela Merkel ayant désespérément besoin d’un accord. Elle pourra espérer que les dirigeants du SPD feront preuve de réalisme en raison de cette forte implication gouvernementale. L’hypothèse d’un tournant doit être prise avec des pincettes. Le SPD a certes obtenu que le nouveau gouvernement soit placé sous le signe de la relance de l’Europe, satisfaisant au besoin d’un effet d’annonce, mais les formulations adoptées sont précautionneuses lorsque les mesures destinées à y contribuer sont abordées. On voit mal la grande coalition porteuse d’un grand élan.
Un autre accord régional, qui vient d’être passé sous les auspices du syndicat IG Metall va imprimer sa marque, surtout s’il fait tache d’huile dans le pays. L’augmentation des salaires et la flexibilité du temps de travail – qui est pour la première fois reconnue à l’initiative des travailleurs – ne sont pas inflationnistes dans le contexte allemand, mais elles vont servir de prétexte pour accroître la pression venant d’Allemagne afin que la BCE réduise ses mesures non-conventionnelles.
Les luttes d’influence ont commencé. Les dirigeants européens sont entrés dans le vif du sujet à propos du remplacement des gouverneurs de la BCE qui sont en fin de mandat ou s’y dirigent, ainsi que de la présidence de la Commission (avec dans la foulée la nomination de nouveaux commissaires). Du point de vue des conservateurs allemands, une solide ligne de défense est en cours de constitution. La candidature au poste de vice-président de l’Espagnol Luis de Guindos, qui s’est illustré dans l’application des mesures d’austérité de la Troïka, est maintenant officielle, et celle de Jens Weidmann est de notoriété publique. Ajouté au contrôle par Klaus Regling du Mécanisme européen de stabilité, cela constituerait une bonne base d’appui, surtout si ce dernier organisme hérite des prérogatives de la Commission en termes de contrôle de la réduction du déficit public, clé de voute de la politique allemande qu’Emmanuel Macron ne désavoue pas.