LE MOTEUR FRANCO-ALLEMAND S'ANNONCE POUSSIF, par François Leclerc

Billet invité.

Martin Schulz n’est pas le premier social-démocrate européen à ne pas avoir la carrure de son nouvel emploi. Avant les Allemands, les Français ont déjà connu cela. Certes, le congrès extraordinaire du SPD lui a accordé de poursuivre les négociations entamées dans le but de former une Grande coalition, mais les médias allemands, qui hier annonçaient le crépuscule d’Angela Merkel, évoquent désormais le « Waterloo personnel » du président du SPD.

Son virage à 180 degrés n’a pas été apprécié, lui qui auparavant s’était prononcé pour une cure d’opposition avant de se rallier à la formule usée de la Grande coalition, la seule disponible à ses yeux pour repousser la suite du déclin prévisible du SPD. Quel que soit son calendrier, la prochaine échéance électorale sera pourtant la bonne pour le mesurer !

L’avenir des pourparlers n’est pas une affaire allemande : l’Europe reste suspendue à leur aboutissement. L’enjeu est double, contenir la crise politique européenne dont l’extension à l’Allemagne serait désastreuse, et disposer d’un point d’appui pour bon an mal an relancer une Europe qui donne de nombreux signes de son démantèlement. Faire appel aux autorités allemandes et à la formule du moteur allemand n’est pas le moindre des paradoxes, en raison de la responsabilité que portent celles-ci dans sa débandade.

La candidature de Jens Weidmann à la succession de Mario Draghi en 2019 prend corps. Mais elle n’augurera pas spécialement d’un renouveau si elle se concrétise, à suivre la campagne qu’il a engagé. Le président de la Bundesbank milite activement pour l’arrêt des achats obligataires de la BCE à la fin de l’année, et il refuse catégoriquement de puiser dans les excédents budgétaires allemands pour appuyer une politique d’investissement. Sa flexibilité future n’est pas garantie.

Le cadre dans lequel Emmanuel Macron va s’efforcer de faire avancer ses propositions de relance se dessine. Au mieux, il pourra appuyer une Grande coalition affaiblie au sein de laquelle Angela Merkel continuera de manœuvrer, et où le père sévère de la Bundesbank veillera au grain. On peut en attendre beaucoup de bruit et peu d’effets.

Les 440.000 membres du SPD, qui sont traversés par une grande crise de confiance dans leur propre parti, devront par scrutin secret se prononcer sur le compromis final auquel il va être parvenu, le processus aboutissant, quel que soit son résultat, à la mi-mars dans le meilleur des cas. Mais les pronostics sont réservés sur le résultat de ce vote. Martin Schulz a fait des promesses dont il n’est pas certain qu’il puisse les tenir, et les militants ne se satisferont pas de belles envolées.

En fait de relance, les conditions sont réunies pour que l’anémie économique européenne se poursuive, que le taux d’emploi se détériore, sa précarité s’accentue, et que les inégalités s’accroissent. Que va-t-il lui être opposé de tangible ?

Comme à l’habitude, OXFAM a profité de l’ouverture du Forum de Davis pour publier un rapport intitulé « Récompenser le travail, pas la richesse », dans lequel il révèle l’extrême concentration de l’accaparement de la richesse. Winnie Byanyima, sa directrice, l’a commenté ainsi : « le boom des milliardaires n’est pas le signe d’une économie prospère, mais un symptôme de l’échec du système économique  ». Elle dénonce l’exploitation «  des personnes qui fabriquent nos vêtements, qui assemblent nos téléphones portables et cultivent les aliments que nous mangeons, afin de garantir un approvisionnement constant en produits pas chers, mais aussi pour grossir les profits des entreprises et de leurs riches investisseurs ».

Curieusement ce thème de l’inégalité qui parcourt la planète s’arrête aux frontières de l’Europe, à l’image des réfugiés qui s’y trouvent bloqués.