LA RELANCE EN CATALOGNE, ET AILLEURS… par François Leclerc

Billet invité.

La Catalogne, ce n’est pas fini ! Carles Puigdemont et Mariano Rajoy remontent sur le ring pour un round d’observation qui pourrait s’installer. Depuis Bruxelles où il est hors d’atteinte, le premier a obtenu moyennant partage des pouvoirs le soutien de l’ERC, l’autre grande formation indépendantiste à sa candidature à la présidence de la région. Avec les 34 voix de « Ensemble pour la Catalogne» et les 32 voix de la « Gauche républicaine de Catalogne », auxquelles se joindraient les 4 de « la Candidature de l’unité populaire » d’extrême-gauche, le compte serait bon. Carles Puigdemont serait élu président de la région et Oriol Junqueras de l’ERC le speaker du l’Assemblée.

Mais cette majorité est toute théorique, 5 députés élus sont exilés à Bruxelles et 3 autres en prison préventive, inculpés pour « rébellion, sédition et détournement de fonds », dont Oriol Junqueras. Comment, dans ces conditions, peut-elle valablement s’exprimer à l’Assemblée ? Différentes formules vont être explorées, mais rien n’est acquis. Elles reposent en premier lieu sur l’élection du bureau de l’Assemblée, qui pourra ou non permettre que Carles Puigdemont ne soit pas présent physiquement pour être élu. En dernière instance, les 8 députés élus de CECP (Catalunya en Comú–Podem), le parti d’Ada Colau soutenu par Podemos, auront à jouer un rôle décisif.

Mariano Rajoy, qui a perdu son pari de mettre en minorité les indépendantistes en convoquant des élections, après avoir mis la Catalogne sous tutelle, annonce qu’il fera tout pour empêcher l’élection de Carles Puigdemont, y compris en maintenant la tutelle. Dans ce cadre, tous les moyens seront bons pour lui afin de faire barrage, depuis la contestation de tout acte administratif la permettant jusqu’à la saisine de Cour constitutionnelle. Sa détermination ne peut pas être mise en doute !

La démocratie n’y trouve pas son compte, mais ce n’est pas la seule question en jeu. La direction de l’ERC avait annoncé son intention d’engager avec Madrid des discussions, dont la tenue est superbement ignorée par Mariano Rajoy. Et la Commission, obtenue par le PSOE en contrepartie du soutien à celui-ci contre les indépendantistes catalans, avec pour but d’engager une discussion sur l’avenir institutionnel de l’Espagne. Sauf qu’elle ne se réunit pas !

L’intransigeance, on ne s’en étonnera pas, provient d’une droite espagnole qui continue à puiser son inspiration nationaliste dans le franquisme. Entamée à la mort de Franco en 1975, les mérites de la transition démocratique espagnole sont toutefois épuisés. Et les partis de gouvernement sont dans l’incapacité de leur trouver une suite, secoués par des scandales de corruption à répétition. L’organisation du pays en 17 régions autonomes avec des variantes ne répond plus aux besoins, Madrid est déconsidérée. Un vide doit être rempli.

L’Espagne n’est pas une fédération accomplie, l’autonomie accordée étant bridée à de nombreux égards. Quelles marches devraient désormais être franchies est une question qui ne va pas pouvoir être longtemps esquivée. Au-delà de l’aspect institutionnel, elle renvoie, en Espagne comme partout en Europe, au besoin d’un programme alternatif appuyant les transitions et instituant des ruptures. Les trente glorieuses ayant fait leur temps, quelle vision positive de notre avenir pouvons-nous projeter, face aux faux semblants et aux détestables restrictions de tous ordres qui s’accumulent et se préparent ?