Billet invité.
Quand il n’est pas qualifié sans attendre de « coalition des perdants », avant même d’avoir vu le jour, l’accord qui se dessinait hier, encore sujet à bien des obstacles, recevait le qualificatif de « paléo-coalition » attribué par l’hebdomadaire Der Spiegel.
De fait, les trois partis qui cherchent à réunir les bases d’un programme de gouvernement ne représentent plus que 53% des électeurs, contre les deux tiers précédemment, le score de chacun d’entre eux ayant chuté lors des dernières élections au profit du FDP de droite et de l’AfD d’extrême-droite.
La coalition qui est encore dans ses limbes n’a pas devant elle une voie triomphale, et les commentaires outre-Rhin font état d’une poussée de l’extrême-droite qui se manifestera à la première occasion venue. Les élections régionales qui ponctuent la vie politique allemande ne manquent pas.
Pour être complet, le tableau doit mentionner les tensions internes au sein du SPD, de la CDU et de la CSU. Martin Schulz est en sursis à la tête du premier d’entre eux, Angela Merkel est donnée pour n’accomplir qu’un demi-mandat de deux ans, et Horst Seehofer a déjà été marginalisé au sein de la CSU. Et la relève à laquelle les électeurs aspirent n’est pas au rendez-vous, sauf pour ce dernier.
Le besoin de renouvellement ne concerne pas seulement les dirigeants, il atteint aussi la politique à mener. Ce qui pourrait à première vue apparaitre comme un paradoxe, étant donné la santé de l’économie allemande. Mais Angela Merkel l’a expliqué en reconnaissant que les Allemands aspirent à vivre mieux dans une société qui fonctionne mieux. Si l’on ne veut pas s’en tenir aux grands indices économiques symboles d’une prospérité trompeuse, il y a de quoi faire.
Dans les commentaires venus d’Allemagne, les initiatives françaises sont opposées à l’attentisme allemand. Faut-il alors voir dans la situation actuelle le ferment d’une évolution de la politique européenne outre-Rhin ? Cela serait aller trop vite en besogne. Les surplus budgétaires dégagés laissent une marge de manœuvre au futur gouvernement, suffisamment confortable pour qu’il ne soit pas nécessaire de revenir sur la stricte politique budgétaire en matière de déficit.
La seule discussion possible portera sur la politique d’investissement confiée à la Commission – et non à un gouvernement de la zone euro – sur ses objectifs, ses étapes et son calendrier. Les autorités françaises ont déjà fait savoir publiquement qu’elles se prêteraient au jeu, dans l’espoir de desserrer ainsi les contraintes budgétaires grâce à de nouvelles recettes fiscales.
En termes de financement du désendettement, cette politique ne permettra, dans une étape ultérieure, que de rallonger les calendriers de remboursement de la dette afin de diminuer son service annuel dans les pays les plus étranglés. Et cela renverra à plus tard le moment où il faudra bien convenir qu’une restructuration de la dette est inévitable.
Deuxième avantage de cette perspective, elle permettra dans l’immédiat de se réfugier derrière les exigences du marché pour justifier le maintien de la politique d’austérité et des « réformes structurelles », le véritable objectif.