Billet invité.
Deux longues négociations commandent l’avenir de l’Europe, dont les résultats sont incertains. Les péripéties du Brexit sont quotidiennes, ne garantissant pas sa bonne conclusion. Et il ne fait plus de doute que la grande reconfiguration de l’Europe ne verra pas le jour.
Tributaire des tractations de la politique allemande, cette dernière affaire ne va pas se clarifier avant des mois, car il existe au sein des trois partis une opposition à la reconduction d’une grande coalition qui les complique. Il est de plus en plus question d’un accord sur trois points, le budget, la politique étrangère et européenne, afin d’aboutir à la formule d’un gouvernement minoritaire soutenu par le SPD. Martin Schulz pense avoir trouvé le moyen d’obtenir in fine l’accord des adhérents du SPD à la participation à une coalition en soutenant un projet de réforme de la zone euro, mais cela suppose l’accord improbable de la CDU et de la CSU, qui ne sont pas favorables à la formule d’un gouvernement minoritaire.
Le SPD, qui reste opposé à tout ce qui ressemble à des euro-obligations, pourrait adopter le principe d’une aide aux pays en difficulté traversant un épisode récessif, le fonds créé à cet effet pouvant à long terme être reconfiguré en un budget européen. Un poste de ministre des finances européen serait créé et les statuts du MES changés afin qu’il devienne un filet de sécurité de l’Union bancaire. Mais on reste loin des propositions françaises de relance, supposant qu’elles soient acceptées. Changeant d’échelle, Emmanuel Macron n’a pas d’autre option que de se replier dans l’ordre pour se focaliser sur les thèmes de la défense, de l’énergie et de l’économie numérique afin de favoriser des coopérations renforcées.
La confusion dans laquelle le destin des réfugiés fait l’objet de discussions, polémiques comprises, illustre l’incapacité de l’Union à adopter une politique et à l’assumer. L’Italie et la Grèce font déjà les frais de l’échec du plan de délocalisation des réfugiés, ultime étape d’une route mortelle faite d’extorsion de fonds, de mauvais traitements et de camps de misère. Mais le pire a été découvert en Libye, conduisant Amnesty International à dénoncer la « complicité » des autorités européennes, qui soutiennent « un système sophistiqué d’abus et d’exploitation des réfugiés et des migrants » afin de les empêcher de traverser la Méditerranée. La gloire n’est pas au rendez-vous et les postures avantageuses n’y changeront rien.
Des voix se sont élevées avec virulence au sein même de la Commission et du Parlement, obligeant le président du Conseil européen à modifier le texte de sa convocation au sommet qui a commencé aujourd’hui. Il n’est plus question d’affirmer que « l’Union n’a pas la capacité et les possibilités légales de remplacer les États membres » afin de faire face une crise qualifiée de « migratoire ». Mais ce recul ne définit pas pour autant une alternative à la politique de cantonnement des réfugiés dont on voit les résultats catastrophiques en Libye.
Frederica Mogherini, en charge de la diplomatie européenne, a beau faire valoir que 15.000 africains se trouvant en Libye vont être rapatriés, dans le cadre d’un programme de « retour volontaire humanitaire d’urgence » ose-t-elle annoncer sans en préciser de date, qu’est-ce au regard des 500.000 réfugiés qui s’y trouvent piégés ?
Offrant à tous égards le spectacle de leur irresponsabilité, les dirigeants européens pensaient naïvement pouvoir dupliquer en Libye ce qu’ils avaient obtenu de la Turquie. Raté, ils sont nommément coupables de la situation désastreuse qu’ils ont créé.