LE NOUVEAU PARADIGME QUI SE DESSINE, par François Leclerc

Billet invité.

L’avis que vient de rendre le Conseil européen n’est pas contraignant, mais il incite la BCE à revoir sa copie qui est encore en consultation jusqu’au 8 décembre, car elle n’a pas selon lui le mandat de promouvoir des normes de couverture des prêts non performants (NPL) pour les banques européennes dans leur ensemble !

La BCE ne prétend pas s’attaquer aux NPL existants, dont le montant est estimé à 1.000 milliards d’euros, mais voudrait au moins éviter que la situation empire. « Les banques sont invitées à assurer une couverture intégrale de la fraction non garantie des nouveaux NPL au plus tard après deux années et au plus tard après sept années en ce qui concerne la part garantie », est-il expliqué sur son site. Cette mesure immobiliserait beaucoup de collatéral et créerait une forte incitation à se délester des NPL à temps en raison de son coût.

Mais, on s’en doutait un peu, les banques ne l’entendent pas ainsi et ont trouvé au Conseil européen des oreilles complaisantes. Incitant la BCE à reformuler sa réglementation afin qu’elle ne s’impose pas globalement aux banques, mais à celles-ci une par une, afin de formellement respecter son mandat…

Cette passe d’armes serait sans conséquence si elle ne mettait en évidence que la BCE s’attend à la poursuite de la production de prêts non performants par les banques, et qu’elle prend les devants pour éviter qu’un important stock de NPL se reconstitue, le sort de l’actuel n’étant toujours pas réglé.

En envisageant une telle perspective, elle illustre la contradiction qui existe entre la relance de la croissance et le maintien de la consommation des ménages, à laquelle le crédit est appelé à contribuer. Même si la faiblesse de l’inflation apporte un soulagement.

De fil en aiguille, devant le maintien à ce niveau de cette dernière, va-t-il falloir reconsidérer la cible d’inflation des banques centrales, comme on l’entend parfois dire ? Avec la faiblesse de la croissance et du taux d’emploi, ainsi que la détérioration de la qualité du travail, un nouveau paradigme se dessine. L’accroissement rapide des inégalités y est placé au centre, dessinant les contours d’une nouvelle société.

Décidément, on ne peut pas raisonner avec l’ancien paradigme.