Billet invité.
Les négociations en vue de former une coalition regroupant la CDU-CSU, les Verts et le FDP ne s’engagent pas bien. S’il est trop tôt pour prédire leur issue, l’hypothèse d’un désaccord final impliquant de retourner devant les électeurs n’est plus exclue, plombant un peu le climat.
Christian Lindner, le leader du FDP, a fait monter les enjeux en confirmant être opposé au renforcement de la mission renforcée du MES de Wolfgang Schäuble, devenu président du Bundestag, et d’Angela Merkel. Avec lui, l’Allemagne se replie plus que jamais sur elle-même, même plus question de jouer le père fouettard. 1,4 millions d’électeurs se sont détachés de la CDU au profit du FDP, et il n’est pas envisageable de les décevoir. Soupçonné de calculer avoir plus à gagner que la CDU et le SPD de nouvelles élections, il estime lui-même publiquement les chances d’un accord à 50% et se pose en maître du jeu.
Les incertitudes sont suffisamment fortes pour accréditer la rumeur d’une prolongation du mandat à la tête de l’Eurogroupe de Jeroen Dijsselbloem à la demande des autorités allemandes, faute de pouvoir lui choisir dans l’immédiat un successeur. Un équilibre doit en effet être trouvé entre plusieurs nominations européennes, dont celle-ci, et l’ensemble dépend de la suite des négociations inter-allemandes. Devenue leader incontesté de l’Europe, l’Allemagne se cherche une politique et tout s’arrête !
Dans ces eaux déjà passablement troublées, la Commission aux prérogatives sur la sellette, critique dans une lettre à Bruno Le Maire le projet de budget 2018 du gouvernement français. Tandis que ce dernier va à Berlin tâter le terrain… à propos de sa candidature à la présidence de l’Eurogroupe. La prévision de croissance sur laquelle se fonde son budget est considérée trop optimiste par la Commission, qui craint que la France finisse par manquer ses objectifs. Les projections sont en effet très tendues et il en sera vite ainsi si une déviation intervient, même minime.
À Bruxelles, il n’est toujours pas question de faire les gros yeux au gouvernement italien. Le Mouvement des 5 étoiles entravé dans l’immédiat par la réforme du code électoral de ses concurrents, la poursuite sans fin des jeux politiques italiens se confirme, le pays ne dérogeant pas à sa fragilité.
La situation espagnole va être à l’origine d’inquiétudes supplémentaires, si Mariano Rajoy ne parvient pas à récupérer le soutien aux Cortes du PNV basque qui lui fait défaut en raison de ses mesures envers la Catalogne. Il avait comme perspective de faire adopter son budget 2018, puis de le proroger en 2019 afin de se présenter aux législatives l’année d’après. Ce plan est pour l’instant bouleversé.
Sans aller chercher si loin, les résultats des sondages sur le vote des Catalans du 21 décembre prochain font état d’un score très serré entre les indépendantistes et les unionistes. Mariano Rajoy est loin d’être sûr de l’emporter, et la suite en dépendra. Une désescalade étant peu probable, à qui va profiter l’escalade qui pourrait provenir de l’appel à la grève générale de jeudi et à la manifestation de samedi ?
À l’instigation du FDP, l’Allemagne est en passe de se crisper sur la défense de ses seuls intérêts, quel que soit le scénario adapté pour la suite. L’Espagne et l’Italie sont aux prises avec leurs propres situations nationales, et les marges de manœuvre d’Emmanuel Macron continuent de se rétrécir. Aucun gouvernement européen n’a les moyens de voir au-delà du bout de son nez tant que cela durera.
La prudence avec laquelle Mario Draghi diminue ses achats de titres obligataires, sans toucher à ses taux, tranche avec le sentiment ambiant qu’une normalisation irrésistible a commencé, à bien l’écouter et le suivre. Affichant une stratégie réversible si les circonstances devenaient moins favorables, il a souligné que la BCE va conserver « un niveau élevé de soutien à l’économie ». Une décision logique, si l’on remarque que l’inflation sous-jacente (hors prix de l’énergie et des produits alimentaires) est retombée en dessous de 1%, et que les anticipations annoncent le phénomène durable. Ce qui ne laisse à la BCE que deux possibilités : poursuivre sa politique, quitte à la moduler à la baisse ou à la hausse, ou modifier d’elle-même les termes de sa mission en révisant ses objectifs d’inflation…