Billet invité.
La photo de la direction chinoise alignée au cordeau derrière le nouvel Empereur Xi Jinping a spectaculairement illustré le dernier congrès du parti communiste chinois, mais elle a masqué plus important.
Concurrent directe de la Banque mondiale et des États-Unis, la Banque de développement initiée par la Chine poursuit son petit bonhomme de chemin, plus de trente pays y participant désormais. Le monde était bipolaire et le reste finalement, la Chine prenant la place de l’ex-Union soviétique. Mieux, elle se prépare à devancer les États-Unis au classement des puissances économiques, une place à laquelle Moscou ne pouvait prétendre.
Après s’être retiré de l’accord de libre-échange Asie-Pacifique (TTP) au tout début de son mandat, Donald Trump va observer sur le terrain l’influence grandissante de la Chine dans la région à la faveur de la tournée qu’il entreprend. Cela l’a déjà conduit à annoncer participer au sommet de l’Asie orientale, contrairement à ses intentions initiales. L’Asie, c’est du sérieux !
Signe des temps, les accords économiques impliquant le yuan comme monnaie de règlement au détriment du dollar se multiplient, la devise chinoise pesant toutefois encore peu. Elle y parvient même dans le domaine énergétique où la position du dollar pouvait sembler inexpugnable. Premier pas d’importance accompli, la Chine achète le gaz russe en yuans, que le gouvernement russe convertit en or à Shanghai.
Les BRICS, que certains voyaient à tort éclater du fait de leurs divergences d’intérêt, se sont dernièrement penchés sur le financement des infrastructures de demain. La Chine, dont le développement industriel est à la source d’un gigantesque désastre environnemental, a mis sur pied un fonds de 470 milliards d’euros consacré aux filières de l’énergie renouvelable. Elle s’apprête à changer son fusil d’épaule, afin de réaliser « le rêve chinois » de son nouveau leader : « la civilisation écologique » de l’avenir. Le chantier qui s’annonce est pharaonique, à la mesure de la destruction environnementale accomplie.
Avec l’Arabie saoudite, qui prépare activement l’après-pétrole, elle multiplie les projets de coopération dans le domaine des énergies nouvelles. Pour succéder à la vente du brut dont les gisements finiront par s’assécher, rien de mieux que de préparer les technologies et les services qui permettront de s’en affranchir ! Il n’est pas question de seulement prendre pied sur ce nouveau gigantesque marché, mais d’en être le leader. C’est sur ce terrain que la Chine doublera les États-Unis, où le président prétend protéger l’exploitation du charbon.
Le rôle de la monnaie chinoise dans le commerce international est limité mais grandissant et va se renforçant. La reconnaissance du yuan comme monnaie de réserve par le FMI, il y a presque deux ans, n’a été qu’un premier pas de nature symbolique. En ligne de mire une reconfiguration du système international au détriment du rôle prééminent du dollar se profile. Mais est-elle possible, et si oui combien de temps mettra-t-elle pour se concrétiser ? A tout le moins, on sait que les réformes monétaires sont ralenties par une grande force d’inertie.
La grande puissance américaine ne va plus prochainement reposer que sur deux pieds, monétaire et militaire, une fois perdue sa prééminence économique. Mais New York et la City restent les deux grandes places financières, les centres nerveux du monde capitaliste. Et ces derniers font preuve d’une incontestable résilience, comme constaté. Et, la Chine, qui n’a pas intérêt à précipiter la fin du statut privilégié du dollar et un remodelage en conséquence du système financier, peut parfaitement s’accommoder d’une longue transition. Il existe certainement un proverbe chinois qui préconise d’attendre que le fruit soit mûr pour le cueillir !
Décidément, le capitalisme financier se présente bizarrement, ne fonctionnant plus comme avant mais ne parvenant pas à trouver ses nouvelles marques, lancé dans une irrésistible fuite en avant.