Billet invité.
Parmi les nombreux paradoxes que nous vivons, l’un d’entre eux est central dans nos sociétés développées, c’est celui des inégalités. D’autant que les organisations internationales constatent qu’elles ne cessent de se creuser. Mais ces dernières ne cherchent pas à décrypter les mécanismes qui en sont à l’origine, et ne prescrivent que des moyens de les combattre – le grand classique étant l’éducation – sans jamais s’interroger sur ce qui en est à l’origine, et qu’il faudrait proscrire.
Les inégalités alimentent le « populisme » et déstabilisent les jeux politiques de gouvernement, est-il déploré. Les plus perspicaces comprennent que le mal a des conséquences pernicieuses, elles ne sapent pas seulement les règles en vigueur de la démocratie, aussi limitées soient-elles, elles déséquilibrent également le système capitaliste à force de recours au crédit. Les fausses promesses de l’ingénierie financière sont à ce sujet de fâcheuse mémoire. Or les citoyens sont aussi des consommateurs, et à ce titre les premiers contributeurs d’une croissance indispensable à son équilibre.
La croissance de la dette publique et privée est une parfaite illustration de la fuite en avant du système. Elle est de moins en moins soutenable et de plus en plus susceptible de susciter l’effondrement du fragile et complexe édifice financier en cas de restructuration non maitrisée.
On ignore quand l’endettement se révélera intenable, mais on sait que l’augmentation des taux obligataires anormalement bas finira par accélérer le processus. Nul ne sait non plus quand les inégalités le deviendront également. Mais à un certain stade, elles engendreront des sociétés de surveillance renforcée, les nouvelles technologies aidant, et boucleront la boucle : les plus développées rejoindront le modèle des moins avancées, la tiers mondisation s’installant en leur sein.
Un fort approfondissement des inégalités en l’espace d’une seule génération est par contre prévisible. L’OCDE vient de publier un rapport intitulé « Prévenir le développement des inégalités avec l’âge », dans lequel elle souligne que les personnes âgées « vont vivre plus longtemps, mais seront aussi plus nombreuses à avoir connu des épisodes de chômage et des salaires bas, tandis que certaines auront mené des carrières stables et bien rémunérées ». « L’âge sera vécu de manière radicalement différente en raison de l’allongement de la durée de vie, de la diminution de la taille des cellules familiales, du creusement des inégalités tout au long de la vie active et des réformes qui ont réduit les pensions de retraite. »
Les inégalités dans le domaine de l’éducation, de la santé, de l’emploi et des revenus commencent à s’accumuler très tôt dans la vie, souligne enfin le rapport, avec comme conséquence que, dès maintenant, « certains groupes font face à des risques élevés de pauvreté pendant la vieillesse », les femmes étant plus particulièrement concernées, leurs retraites annuelles étant en moyenne inférieures de 27% à celle des hommes.
Les femmes et les hommes de plus de 65 ans, qui représentaient 20% des actifs en 1980 et 28% en 2015, devraient atteindre 53% du total en 2050. On ne pourra pas dire que l’on n’a pas été prévenu.