Billet invité.
Des voix et non des moindres s’élèvent au Parlement européen pour contester la politique de la BCE, piétinant le mythe de son indépendance. Mais c’est pour défendre une mauvaise cause, en s’opposant au projet de nouveau traitement des prêts non performants (NPL) inscrits au bilan des banques européennes. Antonio Tajani, son président, a fait part de sa préoccupation à ce sujet, et une jacquerie s’est depuis engagée.
Les banques italiennes, dont on parle toujours dès qu’il s’agit des créances douteuses, avaient 262 milliards d’euros d’entre-elles inscrites à leur bilan à la fin mars de cette année, mais le montant était néanmoins substantiel pour les françaises (160 milliards d’euros), ainsi que pour les espagnoles (139 milliards) et les allemandes (69 milliards). De quoi motiver la demande d’une « correction » du projet de la BCE par de nombreux députés européens soucieux de ne pas voir les banques de leurs pays progressivement obligées de provisionner tous leurs NPL, même s’ils sont partiellement ou totalement garantis.
La BCE annonce vouloir lutter contre l’entrave au crédit que représentent les NPL et voudrait inciter les banques à s’en débarrasser en favorisant un surcoût réglementaire. Roberto Gualtieri, membre du Parti démocrate italien et président de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen l’exhorte à « corriger » sa position vis-à-vis des créances douteuses
Son vice-président et membre de la CDU Markus Ferber accuse la BCE d’outrepasser ses pouvoirs : « la BCE tente d’imposer de nouvelles normes de fonds propres universelles mais cela devrait être la prérogative du législateur européen ». Matt Carthy, un eurodéputé irlandais du Sinn Féin, considère que « le problème relève de choix politiques et n’est pas une simple question technique qui pourrait être arbitrée par le seul Mécanisme de supervision unique ».
Quand la BCE veut faire preuve d’indépendance pour la bonne cause, elle est remise à sa place. Les normes, ce n’est pas son affaire, déjà qu’il faut tempérer les ardeurs du Comité de Bâle avec ses histoires de calcul du risque… Heureusement, l’échelon politique répond présent quand il faut apporter son soutien aux banques.