Billet invité.
Une semaine sans surprise, ou presque ! Alors qu’Emmanuel Macron se produisait dans un spectacle façon son et lumière à Athènes, traduisant faute de mieux son ode à la démocratie par la proposition de listes transfrontalières aux élections européennes, les pourparlers du Brexit continuaient de piétiner, et Michel Barnier, le négociateur de l’Union, tentait vainement de les accélérer avec la seule arme à sa disposition, l’accroissement de la fréquence des rencontres ! Toujours aussi intense à Londres, la confusion ne régnait pas en Catalogne où se préparait activement la tenue du referendum portant sur l’indépendance de la région en tant que république. Enfin, les gouvernements hongrois, polonais et slovaque maintenaient leur refus de participer au programme de relocalisation des réfugiés en dépit de l’avis de la Cour européenne de Justice, profitant de l’absence d’injonction dans son avis.
Mais en adoptant une approche très précautionneuse Mario Draghi n’a pas donné lors de sa conférence de presse le signal du « recalibrage de sa politique monétaire » qu’il va encore falloir attendre. Il faut dire qu’en abaissant à 1,5% les prévisions d’inflation en 2019, à son horizon habituel de deux ans, et en prévoyant 1,2% pour 2018, la BCE n’a pas ouvert la voie à une diminution substantielle de ses achats d’obligations souveraines (sauf pour des raisons techniques, les titres allemands venant à manquer en application de ses règles d’achat).
Le président de la BCE a également expliqué que la reprise de l’économie ne s’alimente pas par elle-même mais est due aux bas taux d’intérêt pratiqués, ce qui lui a donné une fois encore l’occasion de répéter que les taux de la BCE ne changeront pas pour une longue période. Le sous-emploi fait obstacle à la hausse des salaires et par voie de conséquence à celle de l’inflation. La relance sans reprise salariale que l’on connait appelle un soutien de la demande par la BCE.
Il a même laissé entendre que l’appréciation de l’euro pourrait, si elle continuait, conduire la BCE a poursuivre son programme d’achats de titres plus longtemps qu’il est actuellement anticipé, ou à en augmenter la taille ! Car son appréciation de 13% depuis avril dernier par rapport au dollar résulte d’un arbitrage en défaveur de celui-ci et la BCE n’en porte pas la responsabilité.
La prudence manifestée par Mario Draghi tranche avec les appréciations optimistes saluant le retour d’une croissance européenne qui reste globalement sous assistance. Et les déclarations venant d’Outre-Rhin qui demandent un changement de cap restent sans effet immédiat. Wolfgang Schäuble juge ainsi, sans avoir l’air d’y toucher, que la zone euro était « beaucoup plus proche de la normalisation de la politique monétaire ». Pas soumis à la même réserve que le ministre, le patron de la Fédération des banques mutualistes, Uwe Fröhlich va droit au but en déclarant que « le temps est largement venu de commencer à réduire les achats d’obligations, puis de relever les taux ». John Cryan, qui dirige dorénavant la Deutsche Bank, participe à la même offensive en appelant à mettre fin à la politique d’argent très bon marché.
Depuis Berlin, la poursuite des taux faibles va fragiliser les banques du pays dont les réserves sont taxées par la BCE, ainsi que les fonds de pension en mal de rendement, et gonfler la bulle immobilière naissante. En Allemagne, l’inflation est à 1,8%. Depuis Rome, il en va tout autrement. Une augmentation des taux obligataires résultant de l’arrêt progressif des achats de titres de la BCE pourrait rapidement rendre insoutenable la dette italienne, et entraîner des conséquences non maîtrisables à l’échelle du pays, débordant sur la zone euro.
Dur, pour Mario Draghi d’être responsable pour tout à la fois ! Il a indiqué que « l’essentiel des décisions » serait pris le 26 octobre prochain, quitte à attendre si nécessaire le 14 décembre pour les annoncer. La sortie s’annonce très lente et progressive, et Mario Draghi s’est réservé la possibilité de faire machine arrière.