LA STABILISATION DU SYSTÈME FINANCIER EN QUÊTE DE GARANTIE, par François Leclerc

Billet invité.

Non sans faire preuve d’une indubitable candeur, quatre économistes ont le 8 août dernier signé dans Le Monde une énumération des priorités que les gouvernements européens devraient rapidement se donner, arguant que « la fenêtre de tir sera de courte durée ». Agnès Bénassy-Quéré, Michael Hüther, Philippe Martin et Guntram Wolff le remarquent dans leur contribution : « l’architecture de la monnaie unique demeure fragile, et elle doit faire face à de multiples problèmes toujours pas résolus dans les États membres ».

Parmi leurs préoccupations, figure à peine évoquée la stabilisation du système financier. Celle-ci implique selon eux de disposer d’un « actif sûr », qui fait défaut et que malheureusement ils n’identifient pas, nous laissant sur notre faim. Cette problématique renvoie à la troublante constatation que ces actifs « sûrs », destinés à faire fonction de collatéral, c’est à dire de garantie aux transactions financières, sont en voie de raréfaction. Et que des stratégies de « réhypothécation », c’est dire d’utilisation d’un même actif pour garantir simultanément plusieurs transactions, ont été mises en place afin de tenter d’y remédier. Encore un de ces gestes créatifs de la finance qui interrogent !

La demande accrue en collatéral a pour double origine le renforcement réglementaire des fonds propres des établissements bancaires, sous forme de capital ou de liquidités disponibles, ainsi que l’accroissement des transactions financières résultant du volume accru des liquidités mondiales. Elle se renforce avec le démarrage des chambres de compensation des produits dérivés. Or, simultanément, il est constaté une diminution tendancielle du volume de la dette souveraine de qualité, celle qui est considérée comme l’actif sûr par excellence car le mieux noté par les agences.

Heureusement, promesses d’avenir, les émissions obligataires des organisations internationales arrivent à la rescousse ! Qu’il s’agisse de la Banque européenne d’investissement (BEI), de l’Union européenne, de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), de l’Association internationale de développement (filiale de la Banque Mondiale), et prochainement de la nouvelle venue, la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB) patronnée par la Chine. Sans oublier le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et son successeur le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui ont également contribué à ces émissions et dont le dernier est promis au rôle de « FMI européen ».

Au cours de la dernière décennie, leurs émissions ont plus que doublé, atteignant 265 milliards de dollars l’année passée, et l’on s’attend à leur amplification, les investisseurs les accueillant d’autant plus favorablement qu’ils bénéficient dans leur cadre du statut de créanciers privilégiés, leur procurant la garantie d’être prioritairement remboursés en cas de problème. Nous n’en sommes qu’au commencement : la dette des États devenant de plus en plus sujette à caution en raison de sa dimension qui ne cesse de croître, la mutualisation de ces émetteurs est appelée en renfort. Le poids des organisations internationales en tant qu’émetteur de la dette va aller grandissant, allant opportunément accroître la quantité de collatéral de qualité disponible.

Mais, vu les montants limités actuels, cela ne répond que très partiellement à sa pénurie potentielle tout en s’apparentant à la formation d’un dernier carré.