Billet invité.
L’organisation internationale pour les migrations (OIM) lance l’alarme, les réfugiés seraient-ils en passe d’ouvrir une nouvelle route de pénétration en Europe au départ des côtes marocaines ? Depuis le début de l’année, l’OIM a dénombré l’arrivée en Espagne de plus de 9.000 réfugiés, un nombre qui n’avait été atteint l’année passée qu’au bout de douze mois et qui est en passe de dépasser celui des arrivées en Grèce, qui se poursuivent malgré tout. Elle craint que cela prenne davantage d’ampleur et débouche sur une situation qu’elle qualifie « d’urgence majeure », pour ne pas être pris par surprise cette fois-ci.
Parfois massives, les infiltrations endémiques dans les enclaves espagnoles nord-africaines de Ceuta et de Melilla – les seules frontières terrestres entre l’Afrique et l’Europe – ne sont pas chose nouvelle et se poursuivent, mais l’OIM s’alarme devant l’accroissement du nombre des réfugiés traversant le détroit de Gibraltar, qui est large de 18 kilomètres, les passeurs parvenant à déjouer la surveillance en employant de plus petites embarcations qu’au départ de la Libye.
La leçon peut être dès maintenant tirée : ni en Italie, ni en Grèce l’exode des réfugiés ne peut être totalement stoppé. Comment pourrait-il l’être alors en Espagne ? Tenter de rendre infranchissables les frontières de l’Europe est illusoire. Afin de le contenir, un glacis doit être mis en place à ses portes, en Turquie, en Libye et dorénavant au Maroc.
La distinction entre les migrants économiques et ceux relevant du droit d’asile derrière laquelle les gouvernements européens se réfugient est une ligne de défense hypocrite et dépassée. Comment l’appliquer quand l’exode irrésistible qui s’est déclenché est le fruit d’une crise humanitaire multiforme, qui a éclaté après avoir longtemps couvé et n’est pas prête de s’arrêter ? On attend avec curiosité les consignes qui seront données à cet égard à ceux qui seront chargés d’opérer le tri.
Comment en effet opérer une discrimination ? Les désastres sont de toutes natures et combinés ; démocratique, humanitaire, sécuritaire, social et écologique. Chacun d’entre eux justifie à lui seul de rechercher un sort meilleur, et pour tout dire un avenir. Où le trouver si ce n’est en Europe ? Fixer dans leur pays les réfugiés qui le fuient est par ailleurs une tâche de longue haleine qui suppose l’avènement d’un développement économique d’une toute autre nature que celui qui est dévolu à l’Afrique, qui se résume à en faire un gigantesque marché plaqué sur le modèle du nôtre.
Faute de chercher et trouver les moyens d’exprimer leur solidarité et hospitalité, les autorités renient les valeurs qu’elles clament être constitutives de l’identité européenne et font de ses habitants des assiégés, donnant un très mauvais signal. Pratiquement, elles se sont engagées sur une mauvaise pente, modelant à cette échelle les sociétés de contrôle et d’enfermement qui s’esquissent.