Réfugiés : COMMENT LES ONG SONT DEVENUES UNE CIBLE PRIVILÉGIÉE, par François Leclerc

Billet invité.

Une grande confusion règne au large des côtes libyennes suite à l’annonce de la création d’une zone de sauvetage et de recherche (SAR) par les autorités maritimes de Tripoli. Son étendue n’est pas précisée, et l’Organisation maritime internationale (OMI), cette agence de l’ONU, n’a rien confirmé. Ce qu’a reconnu le ministre de l’intérieur Marco Minniti, qui est à la manœuvre côté italien.

Dans ce contexte, le Golfo Azzurro, navire de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms, a été hier l’objet d’une nouvelle provocation. Se trouvant dans les eaux internationales, à environ 24 miles des côtes, un garde-côte libyen l’a menacé d’ouvrir le feu s’il ne rejoignait pas les eaux territoriales. La confrontation a duré près de deux heures, avant que le Golfo Azzurro décide de faire route au nord et que le garde-côte abandonne la partie.

Le gouvernement libyen semble avoir décidé de réactiver une ancienne zone de 96 miles nautiques, déclarée du temps du colonel Kadhafi mais qui n’a jamais été opérationnelle, les garde-côtes italiens y intervenant depuis sa création lorsque nécessaire. En complément de ce plan, chaque SAR ayant un centre régional chargé de l’organisation des secours (MRCC), les ONG redoutent l’instauration d’un tel centre en Libye comme prochaine étape. Il se substituerait à celui qui opère depuis Rome et donnerait à Tripoli toute latitude pour éloigner des côtes les navires des ONG et les rendre inopérants avec la complicité de l’OMI.

En effet, les conventions SOLAS et SAR que celle-ci gère ne prévoient pas d’autorisation préalable à la navigation d’un quelconque navire dans une SAR, ce qui revient à faire de celle-ci une zone d’exclusion. Il y est également enjoint de débarquer les naufragés dans un « port sûr », mission que remplit actuellement le MRCC de Rome en désignant à cet effet des ports italiens.

L’OMI est-elle prête à cautionner cette procédure d’accès ainsi que le refoulement en Libye des naufragés ? Pour leur part, les autorités italiennes vont-elles accepter que leurs garde-côtes en mission d’assistance entrent dans ce jeu ? Rétrospectivement on comprend mieux la demande libyenne d’assistance à ceux-ci, qui a commencé à être satisfaite, en attendant de voir la suite.

La baisse subite des départs organisés par les passeurs est quant à elle attribuable aux contacts développés par le même ministre italien avec les chefs de clans qui contrôlent les côtes libyennes, afin d’obtenir qu’ils portent – moyennant probable compensation – un coup d’arrêt au très lucratif business des passeurs dont ils bénéficient. Le ministre, qui contrôle les garde-côtes, n’a pas fait pour rien un passage dans les services secrets et connait l’accès aux fonds secrets. Singulier parcours que le sien, il provient du parti communiste italien…