Réfugiés : APRÈS LA CARTE DE FAYEZ AL-SARRAJ, CELLE DE KHALIFA HAFTAR, par François Leclerc

Billet invité.

Plus rien n’est intouchable, même les ONG qui avec leurs navires sauvent les réfugiés au large de la Libye ! Il leur est reproché de créer « un appel d’air », ce prétexte qui fait désormais fureur et justifie le pire, quand les sauveteurs sont condamnés, leur action « s’inscrivant dans une démarche d’action militante » selon un juge français qui le justifie ainsi.

Avec l’assentiment des autorités européennes qui se taisent, les gouvernements italien et libyen prétendent interdire la poursuite des missions de sauvetage, bien qu’elles s’inscrivent dans le cadre des conventions internationales dont leurs pays sont signataires. Les navires des ONG disparus, qui contribuent pour un tiers aux sauvetages, les réfugiés pourront-ils toujours compter sur la coordination depuis le centre de Rome des interventions des garde-côtes italiens et des bateaux de passage pour les amener à bon port ?

Comprenant qu’il faut procéder autrement et qu’il a une carte à jouer, le maréchal Khalifa Haftar – rival de Fayez al-Sarraj, le chef du gouvernement d’entente nationale qui siège à Tripoli – amuse la galerie en sacrifiant à des rencontres sans effet, à Paris et sans doute à Moscou. Mais le maréchal voit grand et plus loin. Craignant que la Libye devienne un cul-de-sac pour les réfugiés, et qu’ils s’y amassent davantage, il cherche à réunir les appuis et les moyens pour les bloquer à la frontière sud du pays.

Il se présente comme garant de son bouclage, au nom du contrôle qu’il revendique des trois quarts de la Libye avec son armée nationale libyenne (ANL). Celui-ci n’étant pas une petite affaire, car la frontière sud est longue de 4.000 kilomètres, en plein désert, des moyens militaires conséquents sont réclamés afin d’y parvenir dans le cadre d’un programme de formation et d’équipement qu’il chiffre à 20 milliards de dollars sur 20 à 25 ans.

Ayant conscience du niveau élevé de ce montant, il le compare aux 6 milliards d’euros destinés aux autorités turques en contrepartie du blocage de leur frontière maritime. Et il fait remarquer que le nombre des réfugiés potentiels à contenir est bien plus élevé, vu la taille du réservoir africain et la menace durable qui pèse désormais sur l’Europe.

À bon entendeur…