Billet invité.
La cote de confiance du président brésilien Michel Temer est dégringolée à 5%, et 81% des Brésiliens souhaitent d’après un sondage que les députés, qui vont voter demain, envoient sa mise en accusation à la Cour Suprême pour fait de corruption. Mais en dépit de ce niveau d’impopularité et de rejet sans équivalent, il n’est pas certain qu’une majorité des deux tiers des 531 députés soit trouvée, d’autant qu’un quorum de 342 députés présents doit être respecté pour que le vote puisse avoir lieu. Il pourrait ne pas être atteint, des députés préférant jouer le maintien amoindri du président en exercice afin d’avoir le temps de préparer une relève qui reste à trouver.
Le parquet fédéral a de son côté fait appel de la condamnation de Lula à neuf ans et six mois de prison pour corruption passive et blanchiment d’argent, et il réclame une peine plus lourde. Il demande également l’augmentation de l’amende qui a été exigée en première instance, afin qu’elle atteigne l’équivalent de 23,5 millions d’euros…
La société brésilienne ne parvient pas à se débarrasser d’un président symbole de la corruption politique, qu’elle rejette, tandis que le juge Moro, qui a pris la tête de la lutte contre celle-ci, relayé par le parquet, est déterminé à empêcher Lula, qui aurait de fortes chances de l’emporter, de se présenter aux présidentielles de 2018. Que peut-il émerger de ce double blocage ? La toute-puissance des lobbies parlementaires, qui restent à la manœuvre et représentent respectivement les forces de répression, les évangélistes et l’agrobusiness n’est pas atteinte. Chacun avec ses intérêts à promouvoir et sa politique à défendre. Ce sont eux qui structurent au sommet la société brésilienne et influent de manière déterminante sur le pouvoir politique. Le monde politique n’est que le devant de la scène.
Dans la grande confusion ambiante, le rôle que les juges pourraient jouer dans l’avenir est une des grandes interrogations. Concurrents entre eux via la gestion de leurs dossiers respectifs, pourvus d’une notoriété sans égale dans leur rôle de chevalier blanc, certains d’entre eux pourraient aspirer à accéder au pouvoir politique… Mais les lobbies n’en seraient pas moins là ! Lula a préféré se couler dans le moule une fois arrivé au pouvoir, afin de l’asseoir, faisant perdre son âme au Parti des travailleurs. En panne d’une stratégie de développement qui fait aujourd’hui particulièrement défaut, pris à contrepied par la fin de la mondialisation triomphante, le Brésil a continué d’être rongé par la gangrène de la corruption de son monde politique. Pour finalement aboutir au rejet actuel, qui ne recèle pas d’alternative.