Billet invité.
Fermer la route des Balkans, c’était une chose, en faire autant de celle de la Méditerranée en est une toute autre, s’aperçoivent les plus hautes autorités. Les rencontres se succèdent, tout ou presque est essayé, mais il faut se rendre à l’évidence, l’exode des réfugiés vers l’Europe se poursuit et rien n’y fait obstacle. Que faire ?
Pour un peu, les ONG seraient pointées du doigt comme étant les principales coupables, pour recueillir les réfugiés et les acheminer dans les ports italiens les plus proches, les autres n’acceptant pas le débarquement des réfugiés. À ce sujet, l’agence européenne Frontex a annoncé préparer un nouveau « plan opérationnel » de l’opération Triton au large des côtes libyennes, que l’on attend. Le premier ministre italien Paolo Gentiloni parle « d’orienter les activités des ONG », sans plus d’explication mais avec d’évidentes mauvaises intentions. Un « code de conduite » qui tarde à être publié leur serait destiné, mais les plus hautes autorités n’osent pas s’attaquer frontalement aux ONG et au droit international de la mer qui fait du sauvetage des naufragés un devoir.
Dès lors, elles cherchent à empêcher les embarcations fournies par les passeurs de sortir des eaux territoriales de la Libye en renforçant les garde-côtes libyens, et peut-être bientôt en contraignant de leur remettre les réfugiés sauvés, condamnant ceux-ci à un sort innommable qu’elles préfèrent ignorer pour ne pas avoir à l’assumer. Comme cela ne donne toujours pas les résultats espérés, il est conjointement recherché de fermer la route de l’exode en amont, au sud de la Libye. Avec l’ambition démesurée de contrôler les pistes du Sahel qui de tout temps y ont été rebelles et où règne une insurrection djihadiste irréductible.
Après la Mer Égée et la Méditerranée, un troisième cimetière est ouvert dans le désert nigérien du Ténéré, mais celui-là est à ciel ouvert. Sa traversée rendue encore plus périlleuse aura pour inévitable conséquence d’y laisser davantage de cadavres de réfugiés.
Sur le front de l’opinion publique, Emmanuel Macron joue du menton pour cacher sa faiblesse. Il distingue les réfugiés demandeurs légitimes du droit d’asile et les migrants économiques, qui doivent être renvoyés dans leur pays d’origine. En traçant cette frontière difficile à délimiter de la manière la plus restrictive possible, et en oubliant que tous sont des êtres humains à la recherche d’un refuge. Mais en n’omettant pas de faire référence à la morale, comme s’il y en avait une pour chaque catégorie, refusant de céder « à l’esprit de confusion généralisée » qui d’évidence n’est pas le sien.
Constatant l’isolement de l’Italie que les bonnes paroles ne comblent pas, Matteo Renzi réclame pour sa part « un numerus clausus des arrivées », incapable d’en définir les modalités. Signifie-t-il le partage de l’accueil des réfugiés entre pays européens, dont ils ne veulent pas, ou le renvoi de ceux-ci dans leur pays d’origine, qui rencontre de nombreux obstacles ? À défaut de créer des couloirs humanitaires pour leur permettre d’accéder sain et sauf au sol européen, les plus hautes autorités vont-elles organiser des ponts aériens pour les renvoyer ? « Nous devons sauver tout le monde, mais nous ne pouvons pas accueillir tout le monde en Italie » a conclu Matteo Renzi, à qui l’on fera crédit de la première option, mais qui ne peut obtenir qu’elle entre dans la pratique.