Réfugiés : UN CRI D’ALARME ITALIEN DANS LE VIDE, par François Leclerc

Billet invité.

Au revoir les unanimités de façade, bonjour les constats d’impuissance ! Un G20 musclé se prépare les 7 et 8 juillet prochains à Hambourg, Angela Merkel réunissant auparavant les principaux leaders européens dans la perspective d’une réunion musclée avec Donald Trump… qu’Emmanuel Macron a invité le 14 juillet sur les Champs-Élysées. En attendant, la mise en scène de la confrontation va occulter le retour d’une crise des réfugiés devant laquelle les plus hautes autorités européennes restent sans réponse.

Les responsables italiens lancent un cri d’alarme, le pays continuant d’accueillir des dizaines de milliers de réfugiés, après sauvetage en mer, le rythme s’accélérant avec les beaux jours. Le cap des 200.000 réfugiés, nombre maximum pouvant être accueillis annuellement selon eux, menace d’être dépassé d’ici fin 2017. 181.000 l’ont été l’année dernière, provenant en priorité du Niger, du Bangladesh et de la Guinée. Après la Mer Égée, la Méditerranée est à son tour devenue un cimetière marin.

« Nous devons reconnaître que l’opinion publique est exaspérée », a déclaré Matteo Renzi, qui s’appuie sur le résultat des élections municipales où les partis de centre-droit – selon la classification italienne – ont marqué de sérieux points en faisant campagne contre l’immigration. La mairie de Rome, tenue par le Mouvement des 5 étoiles, a de son côté demandé son arrêt.

Sandro Gozi, le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, fait remarquer que les sauvetages n’ayant pas lieu dans les eaux territoriales italiennes, l’Italie n’est pas dans l’obligation de les accueillir. De ce fait, les autorités italiennes menacent d’interdire aux navires n’arborant pas le pavillon italien de débarquer dans les ports du pays les réfugiés secourus, au prétexte que d’autres ports pourraient le faire. Sans s’arrêter aux longues distances supplémentaires qui devraient être parcourues par les navires de secours, ainsi qu’aux délais très allongés de prise en charge de réfugiés très éprouvés par leurs épreuves successives qui en résulteraient.

Ce qu’elles cherchent à obtenir d’autre qu’un partage peu vraisemblable du fardeau n’est pas évoqué. La seule issue serait de réanimer le système des quotas mort-né entre les pays européens, mais quand l’application de celui-ci ne se heurte pas à un refus catégorique – comme en Pologne et en Hongrie – une forte résistance passive lui est opposé, l’attitude adoptée par la France et l’Espagne. Ce n’est pas tout qu’Emmanuel Macron appelle à « la plus grande humanité » à l’égard des réfugiés en envoyant son ministre de l’intérieur accomplir les basses besognes à Calais.

Que reste-t-il en magasin ? Le blocage des réfugiés dans des camps libyens, qui alimente tous les espoirs, pourra-t-il être assumé quand les conditions de réclusion indignes qui y règnent seront connues, si tant est que la situation interne au pays n’y fasse pas obstacle ? Les différentes factions libyennes vont-elles pouvoir s’accorder afin de contrôler les frontières maritimes sur le mode des autorités turques ? L’arrêt de l’exode en amont est-il envisageable, même à terme éloigné, venant d’immenses zones africaines où l’insécurité est totale et la pauvreté immense ? L’Union européenne n’a dans ce domaine pas les moyens financiers de ses ambitions et se rabat par défaut sur l’investissement privé, les discussions sur le budget européen et le règlement britannique de l’addition du Brexit s’annonçant déjà âpres…

L’intense activité diplomatique déployée par les Italiens mobilise jusqu’au président du Parlement européen Antonio Tajani, et Federica Mogherini, la ministre des affaires étrangères de l’Union européenne. Mais on voit mal à quoi elle pourra aboutir. Seul un pourrissement politique accentué, dans la perspective des prochaines législatives, pourrait inquiéter les plus hautes autorités européennes qui se sont trop vite rassurées une fois passés les épisodes hollandais et français. Pour décider quoi ?

Les dirigeants européens auront au moins un point commun avec Donald Trump lors de leur rencontre de Hambourg : ils mènent un même combat contre les réfugiés et les émigrés. Mais ils ne s’en vanteront pas.