Billet invité.
En Europe, contrairement aux États-Unis, les plus hautes autorités marchent sur des œufs. Christine Lagarde vient de proposer un compromis aux créanciers de la Grèce dont le FMI fait partie, accordant un délai non précisé aux opposants à toute réaménagement de sa dette, qu’elle continue d’exiger, tout en ne s’opposant pas au versement des 7 milliards d’euros de la tranche en suspens afin de permettre au gouvernement grec de ne pas faire défaut sur ses remboursements de l’été, mais sans y participer.
Côté banques, la mise en œuvre de la procédure de bail-in prévue dans le cadre de l’Union bancaire continue d’être soigneusement évitée. En Espagne, Santander a racheté Banco Popular en ayant levé sur le marché 7 milliards d’euros pour couvrir le financement global de l’opération et remettre la banque sur ses pieds. La Commission et le gouvernement italien étudient pour leur part la liquidation de la Banco Popolare di Vicenza et de Veneto Banca, les deux suivantes sur la liste des grandes malades après MPS. Alternativement à un bail-in, cette formule a ses avantages, permettant d’injecter des fonds publics sans que cela soit assimilé à une distorsion de concurrence, et donnant deux ans pour réaliser la vente des établissements en bénéficiant. Pour mémoire, il n’a pas été procédé autrement dans le cas de HSH Nordbank il y a un an en Allemagne, et le délai court…
La Commission et la BCE sont aux avant-postes de ces sauvetages destinés à surtout ne pas faire de vagues et à assurer la stabilité politique. Pas question de compliquer encore la tâche de Mariano Rajoy et Matteo Renzi, qui ont déjà fort à faire pour rester au pouvoir en Espagne et y revenir en Italie. Entamant la partie finale de son mandat, Mario Draghi tient bon de son côté face à l’accumulation des pressions destinées à lui faire engager la réduction des mesures non conventionnelles. Il s’est déclaré convaincu que la zone euro avait toujours besoin, et pour longtemps, d’une « quantité extraordinaire de soutien monétaire » et ne veut pas en démordre.
Tous ceux qui alignent les arguments contraires et voudraient lui voir tourner la page sont, dans leur impatience, à la recherche d’une normalisation prématurée, avec en tête l’idée que la roue tourne, c’est à dire que le cycle économique redevient favorable. Ils ne saisissent pas que la BCE agit en soutien de l’Italie, dans le cadre d’une mission occulte qu’elle ne peut pas revendiquer. Le président de la banque centrale est au chevet de son système bancaire et fait obstacle à la hausse du poids de sa dette. Convaincu que les élections législatives, qui prennent le chemin d’être avancées à l’automne, remettront peut-être Matteo Renzi en selle mais ne règleront en rien la précarité de la situation italienne. C’est d’ailleurs pour cette raison que ce dernier a proposé de les avancer. Pour justifier sa position, Mario Draghi considère également que la remontée de l’inflation n’est durable que si les mesures de soutien monétaire de la BCE la soutiennent, en attendant qu’une hausse des salaires intervienne, ce qui n’est pas pour demain.
Pour autant, la crise politique européenne n’est pas terminée. Le raz de marée en faveur du nouveau président annoncé aux législatives françaises exprime avant tout la force du rejet des partis et la politique qu’ils ont menée plus que l’assentiment à une politique qu’il reste à découvrir. Il renforce à nouveau le caractère monarchiste du régime, annonciateur d’autres tensions à venir. Qui osera prononcer la phrase magique : « si nous ne faisons pas de conneries, nous sommes là pour vingt ans » ?