Billet invité.
Les analystes rentrent habituellement la tête dans les épaules lorsqu’ils constatent que l’indice VIX signale une forte volatilité sur les marchés financiers. Paradoxalement, le calme qui règne actuellement sur les marchés leur semble trompeur et les inquiète. Ils manifestent leur méfiance envers ces eaux dormantes, car le niveau de volatilité est exceptionnellement faible, remarquent-ils, se disant in petto qu’il ne faut pas manquer cette fois-ci la prochaine crise.
Dans un contexte où les investisseurs partagent dans la quiétude un même scénario de croissance acceptable, d’inflation faible et de normalisation progressive des politiques monétaires, cela pourrait sembler normal. Qu’est ce qui cloche donc ? La réponse est que le risque a un peu trop disparu du paysage, conduisant à les investisseurs à le négliger et à continuer d’investir de manière inconsidérée dans des actifs boursiers au niveau de valorisation très élevé. Les coupables présumés seraient tout désignés : la stratégie innovatrice d’investissement « smart beta » (1) et d’évaluation du « risk-parity » (2), ces martingales au goût du jour qui placent la volatilité au centre de la construction des portefeuilles.
D’où vient l’inquiétude de ces savants analystes ? Ils savent d’expérience que si la volatilité baisse très lentement, elle rebondit vite lorsqu’un retournement imprévisible de conjoncture intervient. Et que les investisseurs se précipitent alors pour vendre dans la panique leurs actifs, avec le risque de faire écrouler le marché. Certes, aucun signe ne permet aujourd’hui de l’anticiper, mais les incertitudes de la conjoncture politique internationale pourraient s’y prêter, en raison des foucades de Donald Trump. Et, quoi qu’il en soit, le propre des crises est après tout de toujours prendre par surprise.
Que la volatilité soit élevée ou faible exprimant un danger, il y a de quoi se gratter la tête… Il ne reste plus qu’à se tourner vers les experts du Lab ExRefi, le « laboratoire d’excellence au service de la régulation financière » présidé par Christian de Boissieu, membre du cercle des économistes et chaud partisan de la politique de la relance par celle de l’offre chère à Jean-Baptiste Say (1767-1832), qui avait tout compris du fonctionnement de l’économie contemporaine.
Dans une interview à l’Agefi, après avoir expliqué que la volatilité et les corrélations étaient à la base des outils qu’elle a forgé afin d’anticiper les crises financières, car « reflétant les tensions du marché » selon « les intuitions » de ce repère d’économistes bien pensants, l’un d’entre eux a cette conclusion fulgurante : « une crise financière majeure est assez peu probable dans les mois à venir ». On appréciera le « assez peu probable » assortissant le signal « plutôt rassurant » des indicateurs du laboratoire. Dans le même souffle, notre expert explique qu’« il ne s’agit pas de prédire quand arrivera une crise financière, mais d’être en mesure d’évaluer si les conditions sont réunies pour qu’un tel évènement survienne ». Comme disait le père de Solal, le personnage du roman d’Albert Cohen, « avec toutes les réserves et les réserves sur les réserves ! ».
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(1) Donnant lieu à la création d’indices où les titres ne sont pas pondérés par les capitalisations boursières, mais selon d’autres critères comme les ventes ou les dividendes.
(2) Qui veille à ce que chaque classe d’actifs (action, obligation, matières premières…) contribue au risque du portefeuille de manière équivalente.