LA MAIN ÉLECTRONIQUE DES MARCHÉS, par François Leclerc

Billet invité.

Dans ce monde financier de plus en plus complexe et impénétrable, rien que dénicher le volume des ordres et des transactions effectives dont le trading à haute fréquence (THF) est à la source, est un exploit tellement les estimations rendues publiques sont variables – et le plus souvent datées. Il n’en reste pas moins certain que le THF a connu ces dernières années un essor fulgurant et irrésistible sur toutes les places financières.

Ce faisant, il a considérablement modifié l’activité boursière, qui a de moins en moins à voir avec sa vocation d’origine, le financement des entreprises et de l’économie. Cette tendance n’a fait que renforcer l’autonomisation de l’activité financière, de plus en plus tournée sur elle-même. Les paris spéculatifs qu’autorisent certains produits dérivés, principalement les « positions directionnelles » sur swaps de taux, avaient déjà largement entamé ce processus.

Le volume des données que le THF représente dès à présent – des milliers de milliards de gigabytes – est tel que de gigantesques capacités informatiques seraient nécessaires pour les traiter afin de tenter d’y voir clair. En réalité, les algorithmes qui sont à la base de cette activité florissante – jalousement tenus secrets, car c’est le fonds de commerce des opérateurs du THF – déploient une activité tellement frénétique qu’elle en devient insondable et rebelle à l’analyse, quand on parvient toutefois à se procurer des données. La matière même nous échappe.

L’autonomisation de l’activité financière est en marche et rien ne l’arrêtera semble-t-il, à suivre les projets d’introduction massive des technologies d’apprentissage automatique (machine learning) de l’Intelligence artificielle dans les hedge funds au cours des dix prochaines années. À son tour, ce secteur va être la proie d’une disruption qui progresse dans tous les secteurs d’activité s’y prêtant plus particulièrement, et c’est le cas.

Les traders deviennent impuissants devant la masse des données financières qu’ils analysent et vont voir leur rôle considérablement amoindri, s’ils ne disparaissent pas purement et simplement du paysage. Les technologies du machine learning se font actuellement les dents avec le jeu de Go et progressent à pas de géant, elles arrivent… Se contenteront-elles d’assister les traders, comme cela commence à se faire ? Ce débat n’est pas propre au trading, les chirurgiens qui disposent déjà de robots au bloc opératoire ont déjà quelques inquiétudes à ce sujet…

On imagine sans peine un monde financier au sein duquel les machines et logiciels joueront un rôle de plus en plus prépondérant, le trading à haute fréquence n’ayant donné qu’un avant-goût de ce qui se présente… D’invisible, la main va devenir électronique !