Billet invité.
Emmanuel Macron est-il porteur d’une alternative à la politique de Wolfgang Schäuble ? On peut dès à présent en douter. Le tout-puissant ministre allemand veut renforcer les pouvoirs du Mécanisme européen de stabilité (MES) afin de parfaire le verrouillage de la situation, le gouvernement allemand y bénéficiant d’un poids prédominant qui lui fait encore défaut à la BCE ou à la Commission. Que peut-il être opposé à cette politique de fermeture accrue qui pourrait l’emporter ?
Tout tourne autour de la création d’un budget européen, une mesure à fort effet d’affichage mais à la portée potentielle réduite, qui pourrait faire l’objet d’un groupe de travail. Le financement de ce budget est la question clé, or le compte n’y sera pas s’il doit uniquement reposer sur les budgets nationaux. Seules des euro-obligations pourraient lui donner son assise financière, mais nul ne se risque à le préconiser en Allemagne, y compris dans les rangs d’un SPD qui va par ailleurs de défaite en défaite lors des élections qui se succèdent dans les Länder. Le blocage que représentent les traités remplit pleinement son office, en attendant qu’une nouvelle couche le renforce.
Wolfgang Schäuble est bien partisan d’une intégration européenne plus poussée, mais à condition que ce soit sur sa ligne ! La seule alternative à sa politique consisterait à créer une union monétaire au sein de laquelle les défauts souverains seraient possibles. Car il n’y a que deux issues possibles à l’endettement actuel : la voie du désendettement forcé ou le tabou d’une restructuration de la dette aux effets financiers dévastateurs. Dans l’immédiat, la création de cette union renforcée est fort improbable, supposant d’achever l’Union bancaire en la dotant d’un filet de sécurité qui n’est pas dans les moyens des membres de la zone euro, ainsi qu’une garantie européenne sur les dépôts impliquant une solidarité inter-étatique.
Cette Union bancaire ne verra donc pas le jour, car elle suppose tout autant l’émission d’euro-obligations si l’on veut qu’elle remplisse sa fonction. Pourtant, elle est la clé de tout, étant donné le nœud Gordien que représente la détention par les banques des titres souverains de leur État, que l’on avait à tort oublié mais qui n’est toujours pas tranché.
La poursuite d’une politique accommodante « pour une période prolongée est moins risquée qu’un retrait prématuré de la stimulation » a déclaré à l’agence Reuters Vitor Constancio, le vice-président de la BCE. Qu’importe les prétextes trouvés pour la justifier, la nécessité de continuer à soutenir un système bancaire européen toujours très fragile est la raison principale et durable du refus de changer de politique monétaire.
L’afflux brutal des capitaux en Europe qui vient d’être constaté a plusieurs raisons, dont le doute des investisseurs à propos de la relance américaine de Donald Trump. Mais il exprime aussi l’espoir qu’en entamant l’arrêt progressif de ses programmes, la BCE favorisera la hausse des taux sur le marché obligataire européen et le rendra plus attrayant. Une énorme masse de capitaux est en effet en permanence à la recherche des rendements qui lui sont indispensables pour que la boutique puisse continuer à tourner ! Et elle se déplace brutalement au gré des opportunités : les marchés s’efforcent d’anticiper. Dans le cas présent, ils vont être déçus.
Dans de telles circonstances, le nouveau président français peut seulement espérer que ses partenaires mettront des gants et lui laisseront de quoi symboliquement justifier la réalisation de ses réformes structurelles, ce véritable objectif de toute l’opération en cours. Ce sera vraisemblablement au prix de l’acceptation de la transformation du MES voulue par Wolfgang Schäuble, qui rendra toute contestation victorieuse de sa politique encore plus difficile. Il se confirme que seule la sortie de l’Allemagne de l’Union européenne pourrait permettre de relancer sur de nouvelles bases une construction qui a failli, mais elle n’est pas spécialement à l’ordre du jour…
Enregistrant la diminution du risque politique en Europe, les milieux financiers relèvent la tête, seule l’Italie faisant encore ombre au tableau. Le populisme cantonné en France, il le sera aussi en Italie se prennent-ils à espérer. Le credo des analystes, ces visionnaires de toujours, est que le cycle économique est redevenu favorable. Laissez-nous faire et dormez-en paix, braves gens !