Billet invité.
L’état de grâce va être de courte durée. Dès le lendemain de l’élection du nouveau président, une manifestation parisienne s’est opposée à son programme de réformes, dans l’espoir prématuré d’amorcer un grand mouvement de protestation. Outre-Rhin, passé le temps des félicitations d’usage, le Frankfurter Allgemeine Zeitung, haut-parleur de l’establishment, a refroidi sans attendre ses espoirs de négocier avec Berlin un nouveau cours de la politique européenne.
Emmanuel Macron est pris dans une contradiction. Il doit attendre que soit passé le cap des élections allemandes, en septembre prochain, et donner d’ici là des gages tangibles s’il ne veut pas devoir abandonner ses velléités, comme François Hollande s’y était résolu. Mais c’est au risque de déclencher une levée de boucliers.
Ses projets d’euro-obligations ou d’autres dispositions du même tonneau ne figurent pas dans l’agenda d’Angela Merkel, comme elle l’a elle-même rappelé : « Je ne vois pas pourquoi notre priorité serait de changer notre politique ». Sigmar Gabriel, le ministre des affaires étrangères social-démocrate, a certes appelé à l’arrêt de la « politique financière orthodoxe » et déclaré que « ceux qui s’engagent dans des réformes ne devraient pas être forcés d’appliquer une stricte politique d’austérité fiscale », mais quelle marge de manœuvre cela donne-t-il au président français ? Le SPD allemand n’est pas sur une bonne pente, après une embellie occasionnée par l’arrivée à sa tête de Martin Schulz, de courte durée, et sa défaite électorale dans le Schleswig-Holstein. Sa capacité de peser sur la politique d’Angela Merkel, puis de remporter les élections n’en sort pas renforcée. Sigmar Gabriel a toutefois lancé un ballon d’essai, sous la forme de la constitution d’un fonds d’investissement franco-allemand, sans susciter de tir de barrage pour l’instant. Est-il alors concevable que s’engage un processus parallèle, Emmanuel Macron réformant à sa manière sans attendre comme il l’a annoncé pour couper court à toute contestation dans la rue, et Angela Merkel accordant en contrepartie de premières récompenses, une fois les élections allemandes passées ? Un tel mécanisme reposerait sur l’exercice d’une responsabilité partagée qu’il reste à instituer.
Le cap des législatives françaises doit être également passé afin qu’Emmanuel Macron puisse disposer de sa majorité parlementaire. Il a déjà dû rabattre de ses prétentions initiales afin de susciter les ralliements qui lui sont indispensables pour faire élire les 289 députés minimum d’une indispensable majorité présidentielle. Afin de rejoindre La République en marche ! il n’est plus nécessaire d’abandonner son affiliation à un autre parti, disposition qui renvoie à ceux-ci la responsabilité d’interdire une double appartenance. Mais l’homogénéité de la future majorité parlementaire n’en sortira pas renforcée.
Ni à droite, ni à gauche, le nouveau président va devoir donner des gages des deux côtés, tant l’adhésion à son programme s’est révélée singulièrement faible, une fois décomptées les voix faisant barrage au FN ainsi que la part des abstentions et des votes blancs et nuls qu’il a suscités. Le risque est qu’il s’y perde et n’enclenche pas une dynamique porteuse.