Billet invité.
L’adoption d’une attitude défensive est préconisée lors du second tour des élections en proposant de faire barrage à l’extrême-droite. Ce qui ne va pas de soi pour tous ceux qui refusent de voter Macron en raison de la politique qu’il représente, celle-là même d’un président sortant rejeté qui n’a pas pu se représenter. Les points de vue s’opposent avec éclat, le résultat des élections reste incertain.
Les mêmes reportent sur le troisième tour des législatives leurs espoirs déçus. Ils refusent les injonctions des partisans d’un vote écartant la venue au pouvoir de l’extrême-droite et ne veulent voir que la perspective d’une victoire qui leur a échappé. Il leur est opposé les leçons de l’Histoire, qu’ils ne retiennent pas, refusant de voir dans l’extrême-droite actuelle la continuation déguisée de celle qui a fait tant de ravages et sous-estiment le danger qu’elle représente. Pour eux, le rejet du néo-libéralisme prime sur celui du fascisme rampant, puisqu’il faut appeler les choses par leur nom. Non, ce n’est pas blanc bonnet et bonnet blanc comme ils semblent le croire en défendant le vote blanc ou l’abstention.
L’argumentation qui leur est opposée serait toutefois plus forte si elle ne s’en tenait pas à préconiser une posture défensive, ressentie comme moralisante, afin de contrer le profond malaise que représente pour beaucoup, à juste titre, le vote pour un candidat qui représente la continuation d’une politique qui a été massivement rejetée au premier tour. D’après un sondage, 41% des électeurs de Macron auraient même voté par défaut pour lui dès le premier tour, ce qui relativise l’adhésion à sa campagne et accroît le rejet.
Mais comment rebondir sur un rejet qui pour une part s’est reconnu dans un discours démagogique de Le Pen destiné à brouiller les cartes ? Avec efficacité, car la période s’y prête particulièrement en raison de la disparition des repères traditionnels. Quelle perspective donner à ceux qui n’en peuvent plus et cherchent une ouverture, exaspérés, manifestant leur intransigeance sans éviter le sectarisme ? Sur quel mode s’adresser à eux pour créer comme ils le souhaitent les meilleures conditions pour les affrontements de demain ? Le Front républicain a vécu, quelle succession lui trouver ? Autour de quoi se rassembler, car il n’est pas sain que ce soit autour d’un leader qui personnifie une politique restant très déclamatoire.
L’avenir d’une Europe qui est désormais étroitement assimilée à la politique rejetée est la question clé, comme les Britanniques l’ont éloquemment montré. À cet égard, une question domine toutes les autres, à laquelle une réponse doit être apportée : comment sortir du piège au fond duquel nous sommes tombés ? Peut-on croire dans une négociation aux résultats hasardeux avec les défenseurs intransigeants d’une déflation interne reposant sur la baisse du coût du travail et la mise en cause de l’État providence, cette alliance entre les ordo-libéraux allemands et les ultra-libéraux européens qui y trouvent leur compte ?
Répondre à cette question, c’est trouver le moyen de faire valoir une opposition européenne qui s’exprime aujourd’hui en ordre dispersé dans tous les pays, chaque gouvernement ayant dans la dernière période privilégié comme attitude de négocier dans son coin quelques accommodements limités. La manière dont la Grèce est restée isolée illustre au mieux la pusillanimité des équipes au pouvoir et l’absence de résultat tangible.
Mais l’intransigeance du gouvernement allemand, qui prépare la suite des opérations, laisse peu de place à la négociation. Faut-il se rappeler comment l’Allemagne avait à l’époque adopté l’euro à reculons, moyennant de sérieuses contreparties ? C’est pourquoi l’hypothèse la plus crédible est aujourd’hui de proposer au gouvernement allemand d’abandonner la monnaie unique et de quitter la zone constituée par ceux qui continueront d’y adhérer. C’est le seul moyen d’enfoncer un coin pour commencer.
La poursuite de la construction de l’Europe ou son démantèlement est devenu un enjeu déterminant. En priorité là où elle s’est arrêtée, dans les domaines fiscal et social, comme de tirer toutes les conséquences de l’adoption de la monnaie unique. L’objectif est de changer le cours de la construction européenne, ce qui est possible car l’appartenance à l’Europe continue de susciter malgré tout et paradoxalement, une profonde adhésion. Dans ce nouveau contexte, la solidarité devrait primer et un coup d’arrêt être apporté au développement des inégalités sociales, auxquelles il faudrait commencer à remédier en enrayant les mécanismes de leur production. De telles mises en cause ne peuvent en effet se concevoir qu’à l’échelle européenne pour leur donner toutes les chances de s’imposer.
Proposer une autre perspective que l’adoption du plan que représente la sortie de la France de l’euro, ou de tout autre pays, ce n’est pas abdiquer de la volonté de changer radicalement de politique, c’est tout au contraire s’en donner les moyens. Quant à Macron qui n’est d’évidence pas porteur d’une telle alternative, sa victoire créerait les conditions pour la promouvoir en France et à l’échelle européenne.
Une telle perspective devrait dès maintenant être affirmée afin d’emporter la conviction de tous et de se présenter aux législatives porteurs d’une alternative politique concrète.