LES PORTUGAIS ROMPENT LE DÉNI SUR LA DETTE, par François Leclerc

Billet invité.

Tandis que le gouvernement grec continue de piétiner devant le refus intransigeant allemand de consentir un quelconque assouplissement de sa dette avant la tenue des élections de l’automne prochain, le gouvernement portugais, qui pourrait prétendre au rang de meilleur élève de la classe, pointe le bout du nez sur le même sujet.

Un groupe de travail sur la dette externe vient d’y rendre publique la conclusion de ses travaux. Si rien n’est fait, « il sera nécessaire d’atteindre un niveau d’excédent primaire qui ne l’a jamais été et que seuls de rares pays ont connu (4,1% en 2O21). Des excédents de cette ampleur (…) nécessiteraient une augmentation significative des impôts ou une détérioration de la qualité des services publics et des prestations sociales. »

Conscient d’être sur un terrain miné, le groupe de travail aborde le sujet avec prudence, cherchant une ouverture. « Il ne sera pas nécessaire de procéder à une restructuration de la valeur faciale de la dette publique. Le montant de celle qui reste à rembourser, qu’elle provienne des Etats européens ou du FMI, ne sera pas affecté. » Il préconise l’ouverture de négociations, avec pour objectif d’allonger le calendrier de remboursement à 45 ans, la maturité moyenne actuelle étant de 15,6 années, et d’obtenir que les intérêts soient réduits à 1%, à comparer avec les 2,4% actuels.

Un autre scénario est étudié, qui impliquerait que la BCE fasse de son programme d’achat actuel de la dette publique un « programme glissant », remplaçant par de nouveaux achats de la dette portugaise les titres qu’elle détient et qui arrivent à maturité. Une telle évolution de sa politique générerait dès 2018 des économies en frais d’intérêt pour le budget de 680 millions d’euros, est-il calculé. Mais l’adoption d’une telle politique de monétisation de la dette s’attaque à un trop fort tabou et laisse intact le mécanisme de sa production.

La réflexion sur la dette n’est pas nouvelle, ayant déjà donné lieu en septembre dernier à la publication d’un manifeste intitulé « Préparer la restructuration de la dette pour croître de manière durable ». Il y était alors proposé de réduire le montant de la dette à 60% du PIB, ainsi que d’allonger son calendrier de remboursement et de baisser son intérêt.

Le gouvernement actuel, ainsi que le précédent, n’étaient pas restés totalement inactifs afin de diminuer le coût de la dette en s’efforçant de rembourser par anticipation une partie de celle-ci auprès du FMI, ses intérêts étant supérieurs à ceux que le marché accorde actuellement. Dans l’immédiat, pour ne pas rester les bras croisés, le groupe de travail propose de réduire de 410 millions d’euros le poids de la dette dans le budget 2018, en obtenant le remboursement par la Banque centrale portugaise des réserves constituées pour parer à un défaut de remboursement sur les obligations souveraines qu’elle détient, ainsi que l’adoption d’une autre politique de gestion de la dette, substituant à un endettement à long terme coûteux une dette à court terme moins onéreuse.

Que va peser cette réflexion au niveau européen ? Jeroen Dijsselbloem, qui s’accroche à son poste de président de l’Eurogroupe, cherche un point d’appui tout trouvé auprès de Wolfgang Schäuble, qui prépare le terrain des lendemains électoraux. Il appuie l’idée de ce dernier de créer un « FMI européen » sur la base de l’actuel Mécanisme européen de stabilité (MES), qui permettrait dans l’avenir de se passer des gêneurs du FMI qui exigent une reconfiguration de la dette grecque pour la rendre soutenable. Le MES est d’ores et déjà sous bonne garde, présidé par l’économiste allemand Klaus Regling.

L’avenir proche s’annonce bouché par les gardiens du Temple et la crise, devenue politique, est à maturation longue.