Billet invité.
Donald Trump va-t-il mettre de l’eau dans son vin au fur et à mesure qu’il va devoir passer à l’acte ? C’est avec cet espoir que ses faits et ses gestes sont suivis. Mais ceux qui l’espèrent vont-il pouvoir longtemps encore se faire cette illusion ?
Le traitement réservé à l’Obamacare, qui a eu droit en priorité aux foudres du président, a semblé donner raison à ceux qui espéraient le voir devenir raisonnable. La loi n’a pas été abrogée mais seulement amendée, et certaines de ses dispositions ont été maintenues à la demande des élus républicains. Mais va-t-il en être ainsi pour la suite ?
La tenue du G20 finances de Baden-Baden a depuis fait l’effet d’une douche froide. L’ex Golden Boy devenu secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, a bloqué toute référence aux accords de Paris dans le communiqué final de la réunion sous prétexte qu’il n’était pas mandaté à ce sujet, et il s’est refusé à la rituelle condamnation du protectionnisme. Le constat de désaccord a été renvoyé au sommet des Chefs d’État et de gouvernement de juillet prochain à Hambourg.
Entre-temps, une rencontre entre Donald Trump et Xi-Jinping devrait avoir lieu en avril. Si elle se tient finalement, elle sera l’occasion d’observer comment le président américain traitera le gouvernement chinois, qui a pris fait et cause pour le libre-échange à Davos, puis avec Angela Merkel. Les États-Unis ne sont plus le moteur de l’intégration économique mondiale, quand bien même une grande part des compagnies transnationales est sous contrôle de capitaux nord-Américains. Avec les accords commerciaux transpacifiques et transatlantiques, celles-ci tentaient de continuer à remodeler le monde des affaires afin qu’il fonctionne selon leurs intérêts, mais le projet est désormais en suspens. Donald Trump veut pour sa part renégocier tous les accords commerciaux multilatéraux, y compris les règles de l’OMC, en application du principe « America first ». Ce n’est pas sans contradiction.
L’année dernière, le solde des échanges de biens et services des États-Unis avec le reste du monde était de 502,2 milliards de dollars, la Chine y contribuant pour 347 milliards, l’Europe pour 146,3 milliards et le Mexique pour 63,2 milliards. Voilà qui montre les enjeux. L’économie allemande a beaucoup à perdre de l’instauration de mesures protectionnistes américaines, mais ce n’est rien comparé à la chinoise, qui serait en premier lieu très sensible à des rétorsions sur le marché en surcapacité de l’acier. L’administration américaine pourrait progressivement cibler des taxes touchant les produits importés, sans généraliser la mesure d’un coup. Les deux pays ont toutefois beaucoup à perdre dans une guerre commerciale, ce qui ne signifie pas qu’un accord sera facilement trouvé, les difficultés à mettre au point la rencontre d’avril le reflétant dès à présent.
Côté Européens, tout se passe comme si les dirigeants, qui n’avaient pas vu venir la victoire de Donald Trump, se refusaient à toujours concevoir ce qui pourtant se passe sous leurs yeux. L’Amérique n’est pas celle qu’ils croyaient, les républicains présentables ayant été totalement débordés. A cet égard, la confirmation par son directeur James Comey d’une enquête du FBI sur les soupçons de collusion entre Moscou et des proches de Donald Trump reflète l’intensité des bagarres qui se déroulent dans les coulisses.
Continuant à faire preuve de la plus grande désinvolture, Donald Trump s’est choisi un entourage de haut gradés réactionnaires, d’hommes d’affaire sans foi ni loi, de banquiers et d’idéologues d’extrême-droite. Il a redonné les commandes aux financiers, qui devaient sous Obama les partager, et a engagé une nouvelle course aux armements. En interne, sa communication empruntant à ses messages à l’emporte pièce sur Twitter s’adresse directement à sa base électorale.
Ne parvenant pas à concevoir que le président américain va s’efforcer d’accomplir dans toute la mesure du possible ce qu’il a annoncé, les hautes autorités européennes – qui ont déjà fait preuve de tant de perspicacité dans la conduite de leurs propres affaires – sont décontenancées. Car elles sont convaincues des bienfaits de la mondialisation et ont déjà oublié que le FMI a fait remarquer, sans plus de conséquences, qu’elle était aussi porteuse du développement des inégalités, un phénomène selon lui inquiétant.
Qui l’eût cru, ces innocents croient à leurs dogmes !
21/3 17h00 : Erratum
Emporté par mon élan, j’ai confondu la mise au point lundi d’une version amendée de la loi sur la couverture maladie avec son adoption par la Chambre des représentants prévue pour jeudi. Il n’est pas encore certain qu’elle recueille la majorité des voix, en raison de dissensions dans le camp républicain et en dépit d’une intervention de Donald Trump.