Billet invité.
La dérégulation financière impulsée par les États-Unis attend patiemment son heure. Donald Trump a d’autres priorités avec l’Obamacare et la réforme fiscale, mais elle ne perd rien pour attendre. Un premier signal sans équivoque a été lancé par Patrick McHenry, le vice-président du Comité des services financiers de la Chambre des représentants, qui a mis en cause la participation de la Fed au Comité de Bâle, au Comité de stabilité financière et au régulateur des compagnies d’assurance dans une lettre à sa présidente Janet Yellen.
Les milieux financiers américains se sont donné trois objectifs clairement identifiés : la hausse des taux d’intérêt, la diminution des taxes, et l’allégement de la réglementation. Afin de l’instaurer, Donald Trump a mis en place son dispositif en signant des décrets présidentiels qui prévoient la révision de la loi Dodd-Frank et de la réglementation Volcker de séparation des activités de spéculation et de dépôt des banques. Pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, il a également nommé deux dirigeants de Goldman Sachs, Steven Mnuchin au Secrétariat au Trésor, et Gary Cohn a la tête du Conseil économique national nouvellement créé.
Reflétant l’état d’esprit ambiant, Marianne Lake, directrice administratif et financière de JP Morgan Chase, considère que le système financier est désormais suffisamment stable pour baisser la garde et distribuer plus de dividendes aux actionnaires. Ce sera le vrai signal. Une opération de relations publiques – désormais au cœur de l’action politique – prendra l’apparence d’une restauration de la loi Glass-Steagall, qui avait instauré la séparation des activités de marché et de dépôt des banques avant d’être abrogée sous Bill Clinton. Steven Mnuchin s’est sans attendre déclaré favorable à un « Glass-Steagall Act du 21e siècle ». Cela sonne bien….
La loi Dodd-Frank ne va pas être abrogée mais plutôt démantelée à la carte, et les mesures prévues ne sont pas encore connues. Il ne fait pas de doute qu’une institution emblématique comme le Bureau de protection financière des consommateurs (CFPB) va en priorité être dans le collimateur. Afin de servir les mégabanques, la réglementation spécifique aux « Sifis », les établissements financiers systémiques, sera allégée. La place prééminente accordée à l’évaluation du risque pourra être revue : elle ne sera plus nécessaire, ayant eu comme tâche de minorer les exigences en matière de fonds propres des banques, car celles-ci seront diminuées.
Sans attendre que les intentions précises de Donald Trump soient déclarées, le nouveau responsable de la CFTC, l’autorité de régulation des marchés terme et des produits dérivés, a annoncé la couleur. Vu l’importance grandissante de ces marchés, il va à l’essentiel. Christopher Giancarlo, a exposé son projet dénommé KISS (« Keep it Simple, Stupid ! ») qui prévoit un « passage en revue des règlements, régulations et pratiques de la CFTC afin de les simplifier, de les rendre moins lourdes et moins coûteuses ». Selon lui, « la régulation préventive excessive des marchés des produits dérivés fait partie de la sur-régulation de l’économie américaine qui empêche le retour à la prospérité en Amérique ». Les « flash crash » récents ont montré que les marchés financiers souffrent actuellement d’une trop faible liquidité qui ébranle la confiance placée dans les marchés financiers ». Les coupables sont déjà désignés : la loi Dodd-Frank et la régulation internationale de Bâle III.
Sous-jacent à ce catalogue qui pourra réserver d’autres surprises, l’indépendance de la Fed est d’ores et déjà en question. La fin du mandat de Janet Yellen et la nomination de nouveaux gouverneurs va être l’occasion pour Donald Trump d’imprimer sa marque. La politique va rendre le dessus, mais pour de mauvaises raisons. Les Américains ayant ouvert la brèche, les Européens pourront s’y engouffrer au nom de l’égalité de traitement des banques et institutions financières des deux côtés de l’Atlantique.
Il n’y a pas de quoi être surpris.