Billet invité.
Délicat de décrypter les déclarations enjouées qui ont été recueillies hier à la sortie de l’Eurogroupe consacré à la Grèce ! La lecture des dépêches des agences de presse et des articles des correspondants des quotidiens laisse ce matin tout autant sur sa faim, donnant l’impression que tout le monde en est au même point et se gratte la tête. Un accord est-il en vue et sur quoi porte-t-il ? À défaut de clarté, on remarque que l’art du camouflage est en net progrès. Au moins, un accord est à ce sujet intervenu car tout le monde s’y est mis !
Au sortir de la réunion, le commissaire Pierre Moscovici constatait hier « un nouvel élan » et estimait que « un pas important avait été franchi ». Jeroen Dijsselbloem, qui préside l’Eurogroupe, annonçait lors de sa conférence de presse que « le niveau de confiance et d’accord mutuel atteint est suffisant pour retourner à Athènes » (et conclure la seconde revue permettant de débloquer les fonds). Le FMI douchait toutefois cet enthousiasme communicatif en prévenant que « davantage de progrès » restait nécessaire et qu’il était encore « trop tôt pour spéculer » sur un accord global.
Certes, on remarquait une inflexion du vocabulaire destiné à en adoucir la portée, grosse finesse destinée à faciliter ultérieurement l’adoption par le Parlement grec des dispositions réclamées par le FMI, qui prévoient une nouvelle ponction sur les retraites et une hausse du seuil de non-imposition, si l’objectif d’excédent budgétaire n’est pas atteint dans les deux ou trois années à venir, ce qui reste encore à savoir. Confirmant indirectement leur accord avec cette perspective, les représentants grecs faisaient valoir que des mesures destinées à en contrebalancer les effets chez les plus démunis seraient alors actionnées, sans non plus les préciser.
Les créanciers se retrouvent désormais placés devant leurs propres contradictions au sortir d’une réunion de l’Eurogroupe qui fera date dans les annales en raison de sa brièveté. Les questions clés posées par le FMI restent à régler, notamment le taux de l’excédent budgétaire obligatoire au-delà des proches années à venir. Étroitement liée à ces prévisions économiques à moyen terme, la question de la dette est toujours laissée dans un flou total, renvoyée à la rencontre de jeudi soir à Berlin entre Angela Merkel, Christine Lagarde et Jean-Claude Juncker. A eux de trouver l’arbitrage politique qui débloquera la situation dans un contexte de tension sur le marché obligataire européen.
D’ici juillet prochain, date de la prochaine grosse échéance de remboursement de la Grèce, il y a encore quatre mois. Un tel calendrier est propice aux atermoiements pour des responsables qui ont pris l’habitude de ne trancher que lorsqu’ils ne peuvent plus faire autrement…