LA GRÈCE SOUFFRE DOULEUR, par François Leclerc

Billet invité.

La sortie de la Grèce de la zone euro est déjà un des thèmes de la campagne électorale allemande. Christian Lindner, le leader du parti libéral-démocrate (FDP), qui remonte péniblement dans les sondages, propose de lui accorder une réduction de sa dette à cette condition. Poussées par un vent favorable, à l’extrême-droite, les troupes d’Alternativ für Deutschland (AFD) militent clairement pour la sortie. Et Thomas Oppermann, qui préside le groupe parlementaire du SPD, met en garde Wolfgang Schäuble contre la tentation de reprendre sa campagne de 2015 contre la Grèce dans ces conditions.

Ces derniers jours, la division régnait à tous les niveaux. Au sein du gouvernement grec, certains de ses membres préconisant d’attendre le dernier moment pour négocier le nez devant l’obstacle, en juillet prochain, dans l’espoir d’obtenir un compromis plus favorable. À l’intérieur du FMI, un flou résiduel entourait encore sa propre position, laissant aussi supposer des divisions internes. Dans le camp des créanciers les positions étaient diamétralement opposées. Le FMI estimait irréaliste les perspectives de croissance et d’excédent budgétaire impartis à la Grèce et considérait sa dette insoutenable, au contraire des Européens. Résultat, plus personne ne s’y retrouvait ces derniers temps ! Peut-on reprocher aux marchés, dans ces conditions, d’avoir enregistré le retour d’une grande incertitude et d’en tirer les conséquences ? Hier, le taux des titres de la dette grecque à deux ans dépassait les 10%.

Dans le but de couper court aux scénarios de crise qu’il a qualifié « d’exagérés », suite à la réunion sans résultat de lundi dernier de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem a convoqué en catimini une réunion cet après-midi, où seront présents les représentants du gouvernement grec, du MES, de la Commission et de la BCE. Une position commune aurait été entretemps dégagée auparavant avec le FMI. L’allègement de la dette ne figurerait pas à l’ordre du jour, les discussions porteraient sur les mesures à prendre si un excédent de 3,5% n’était pas atteint l’année prochaine. Leur liste pourrait être adoptée au prochain Eurogroupe du 20 février, qui débloquerait les fonds en cas d’accord. Attendons pour voir  !

La cacophonie qui a prévalu a pour sous-jacent l’échec de la stratégie de désendettement, cet aveu impossible. À l’origine, celle-ci a exonéré le système financier de ses pertes en les transférant à la puissance publique. Mais l’appartenance ou non à la zone euro, qui est présenté comme déterminant, ne change rien à la question. Sortir de l’euro, c’est rembourser sa dette émise dans la monnaie commune avec une monnaie nationale dévaluée, y rester, c’est continuer de subir une politique de dévaluation interne qui fait obstacle au retour de l’inflation et de la croissance, ces deux contributions au désendettement.

Il faut chercher la clé ailleurs et briser le tabou qui pèse sur la réduction de la dette, ce qui par ricochet aboutirait à faire voler en éclats le pacte fiscal. Et si la BCE cessait de peser sur le taux des titres souverains par ses achats, comme réclamé par Wolfgang Schäuble, la pression exercée sur les budgets nationaux se renforcerait et élargirait le cercle des pays à la peine.

Les pays européens continuent de payer la folie des grandeurs de leurs banques d’avant la crise. Leurs fleurons ont voulu jouer dans la cour des grands sans en avoir les moyens. In fine, ils ont été financièrement couverts par les autorités politiques. Aujourd’hui encore, il faut sauver la Deutsche Bank et Unicredit en Italie *. L’idée est de compenser leurs pertes par de mirobolants gains à venir, et la future dérégulation financière initiée par Donald Trump tombe à point nommée.

Dans quelle nouvelle aventure allons-nous être conduits  ?

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* La Société Générale, qui a délégué ses cadres à Unicredit pour la sauver en raison de son exposition à l’Italie, avait été tirée d’affaire conjointement avec Goldman Sachs en 2008 par le Trésor américain qui avait renfloué l’assureur AIG.