Billet invité.
En Espagne, la crise politique prend une forme singulière. Au lendemain des élections, il n’était pas accordé au gouvernement minoritaire de Mariano Rajoy une longue espérance de vie, mais une collaboration dictée par l’intérêt s’est depuis installée entre le parti populaire et le PSOE.
Le premier ministre espagnol n’a certes pas trouvé de majorité aux Cortes sur des projets à la portée secondaire, mais le soutien du PSOE ne lui a pas fait défaut lorsque l’objet de son vote devenait primordial. Notamment quand, devant l’insistance de Bruxelles, il a fallu adopter un paquet de mesures pour diminuer le déficit budgétaire. C’est chose faite.
Cet accord a ses raisons. Le parti populaire tient à rester au pouvoir, et les socialistes redoutent les nouvelles élections qui suivraient une chute du gouvernement, vu leur faible score dans les sondages. Dans l’espoir de sa remontée, ils préfèrent négocient leur soutien en contrepartie de mesures comme l’augmentation du salaire minimum, dont ils se prévalent de l’adoption. Sur ce mode, les deux partis de gouvernement peuvent espérer voir leur fragile coopération durer.
Dans l’immédiat, l’Espagne reste donc gouvernée par un gouvernement de coalition de facto. Il n’est par contre pas certain que la formule d’un gouvernement de grande coalition CSU-CDU et SPD, qui a tant servi, puisse être encore une fois reconduite à l’automne prochain en Allemagne. La dernière enquête d’opinion, suite à l’attentat de Berlin, accorde 15,5% des voix à l’AfD d’extrême droite, qui continue son travail de sape. Et les deux partis de gouvernement, qui perdent tous les deux du terrain, n’additionnent plus que 52% des intentions de vote… Une coalition SPD-Die Linke-Verts (Rot-rot-grüne) pourrait émerger comme alternative, mais les obstacles dressés sur sa route seront nombreux.
Telle une enclave, le Portugal a mis au gouvernement des socialistes minoritaires qui ont bénéficié, à la grande surprise de tous, du soutien du parti communiste et du Bloco (gauche radicale). Au vu des incessants affrontements entre ces formations depuis le 25 avril 1974, il a fallu une forte dose de réalisme politique, et de courage, pour le décider tous ensemble. Les Portugais ne voulaient pas d’un retour de la droite au pouvoir et n’auraient pas compris qu’elle y parvienne. Ce gouvernement a pu fêter son premier anniversaire le mois dernier et ne donne aucun signe de fin de vie. L’accord entre les formations est respecté à la lettre par le premier ministre Antonio Costa, qui ne touche ni aux salaires, ni aux retraites, tout en réduisant le déficit, qui devrait être en fin d’année très nettement inférieur aux 3% de rigueur.
Afin d’accroître le pouvoir d’achat des Portugais, les députés de gauche ont voté la suppression progressive d’une surtaxe sur les salaires, la fin des coupes dans les revenus des fonctionnaires et une revalorisation des retraites les plus modestes, ainsi qu’une augmentation progressive du salaire minimum.
En vue d’améliorer les recettes budgétaires, une amnistie fiscale a été adoptée pour ceux qui rapatrient leurs capitaux, ainsi qu’une série d’impôts indirects touchant à l’alcool, au tabac et à la voiture. Une taxe sur le patrimoine immobilier d’une valeur fiscale supérieure à 600.000 euros est entrée en vigueur pour les contribuables fortunés. Principaux points noirs cependant, les budgets publics d’investissement sont réduits au minimum, et les jeunes diplômés portugais continuent de s’expatrier faute de travail au pays.
Il n’est pas besoin de revenir sur le Brexit, sur la Grèce ou bien sur l’Italie, pour constater la diversité des voies de la crise politique européenne, en attendant le résultat des élections française, hollandaise, puis allemande, les belges n’intervenant qu’en 2019. Les réformes de structures libérales ont tout d’une dernière planche de salut qui ne donneront pas l’élan escompté mais accentueront les inégalités, ce dont les organisations internationales s’inquiètent. D’autres réformes pourraient être alignées, plutôt que de tenter de défendre les acquis.