Billet invité.
Le camouflet à Matteo Renzi que représente l’éclatante victoire du Non à son référendum constitutionnel est venu « des familles de la classe moyenne appauvries par la crise économique, des jeunes sans travail, des ouvriers qui se sentent menacés par les migrants et des employés dont les salaires ne suffisent plus. C’est le peuple de la révolte, expression du même malaise qui a produit le Brexit au Royaume-Uni et a porté Donald Trump à la Maison Blanche ». Telle est l’analyse que propose le quotidien La Stampa.
Inévitable dans ces conditions, la démission de Matteo Renzi fait rebondir la crise politique et celle des banques italiennes. Où peuvent-elles conduire ensemble ? À une sortie de l’euro prédisent ceux qui voyaient en sa personne la dernière chance de l’éviter, en raison de la combinaison maléfique d’une très forte dette, de l’absence de croissance et d’un système bancaire insolvable.
Matteo Renzi en a décidé de manière définitive : « mon expérience de chef de gouvernement s’arrête-là ! ». Celle de chef de parti suivra-t-elle le même chemin ? Un gouvernement « technique » devrait être nommé par le Président de la République, chargé de compléter la loi électorale de 2015 qui accorde une prime majoritaire au parti vainqueur à la Chambre des députés, mais pas au Sénat, dont le rôle devait être diminué si le Oui l’avait emporté au référendum. Aucun gouvernement ne pourrait en effet résister à un tel héritage. Une fois celui-ci réglé, les prochaines élections législatives se joueront entre le Parti démocrate et le Mouvement des 5 étoiles. À son tour, l’Italie est entrée dans la danse.
Côté banques, une recapitalisation en faveur de Monte dei Paschi (MPS) est urgente afin de ne pas perturber la recapitalisation de la mégabanque italienne Unicredit, qui doit se poursuivre d’ici à la fin de l’année. Si les investisseurs étrangers pressentis pour soutenir MPS manquent à l’appel comme il est probable désormais, une capitalisation « par précaution » sur fonds publics, ou une résolution selon la réglementation de l’Union bancaire devraient intervenir. Dans ce dernier cas, les détenteurs d’obligations subordonnées privés mis à contribution seraient ensuite dédommagés à hauteur maximale de 100.000 euros – ce qui les alignerait sur les déposants – avec l’accord de la Commission et en contradiction avec la réglementation qui ne le prévoit pas. Le chemin à suivre est sinueux.
Changement de décor en Espagne, où le gouvernement minoritaire de Mariano Rajoy abat ses premières cartes. Il augmente le salaire minimum de 8%, et promet de faire porter l’effort de réduction du déficit public réclamé par Bruxelles sur les « agents économiques qui ont la plus grande capacité, telles les grandes entreprises » et non pas sur les familles, les travailleurs indépendants et les PME. Il n’est pas prévu d’alourdir l’impôt sur le revenu ni la TVA.
Luis de Guindos, Le ministre de l’économie, a confirmé les prévisions de croissance du PIB de 3,2% en 2016 et 2,5% en 2017. Au troisième trimestre, le chômage était en-dessous des 20% pour la première fois depuis six ans. Dans ce contexte, le PSOE, a validé les objectifs de déficit et le plafond des dépenses présentés par le Parti populaire, revendiquant l’augmentation du salaire minimum qu’il aurait « arraché » en contrepartie. Mais l’impact de cette mesure sur la situation sociale sera très limité, dans un pays où les victimes de la « misère énergétique » – ceux pour qui l’eau, la lumière, l’électricité et le gaz sont des biens de luxe – se comptent par millions. Les tarifs en ont selon les cas augmenté de 30 à 50% ces dernières années. La première marche était la plus facile à franchir pour Mariano Rajoy qui pourra toujours compter sur le PSOE quand les nouvelles à annoncer sont bonnes, mais pour les autres…
Que va-t-il pouvoir sortir de l’Eurogroupe d’aujourd’hui à propos de la Grèce ? Cette réunion est présentée comme celle de la dernière chance avant une succession de campagnes électorales et de consultations aux Pays-Bas, en France et en Allemagne, qui seront peu propices à ce que de grandes décisions soient prises. Il était question d’entamer la discussion sur l’allégement de la dette grecque, cette promesse tant retardée, mais les derniers obstacles ne sont pas levés. Alexis Tsipras réclame une « décision politique », qui ne va pas nécessairement lui être accordée. Un habillage de dernière minute est-il possible pour passer le cap de la période électorale européenne à venir ?
Sans avoir à se perdre dans les détails de réformes incomplètes, ou d’un éventuel « reprofilage » de la dette calculé par le MES, une question domine toutes les autres : quel niveau d’excédent budgétaire primaire (avant remboursement de la dette) pour la Grèce, va-t-il être obligatoire dans les années à venir ? L’objectif annuel actuel de 3,5% du PIB est totalement illusoire, mais le gouvernement allemand ne veut pas en démordre, car ce serait reconnaître l’échec de sa politique européenne.
Si cette situation d’impasse se poursuit, le gouvernement grec n’aura comme autre choix au cours de l’année à venir que de demander à bénéficier d’un quatrième plan de sauvetage, s’il désire rester dans l’euro, ou de démissionner. Au regard des sondages, Nouvelle Démocratie en sortira vainqueur mais ne sera pas plus avancée. Si la Grèce devait quitter l’euro, elle serait encore moins en mesure de rembourser avec sa nouvelle monnaie ses créanciers : le FMI, la BCE et les États européens via le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et le Mécanisme européen de stabilité (MES). Il faudra bien se résoudre à restructurer la dette grecque, pour commencer.