Billet invité.
Les alarmes à propos de la dette chinoise ne datent pas d’hier, mais elles se font insistantes. C’est au tour de la dette des particuliers d’être montrée du doigt, avec comme origine la relance par le crédit opérée par le gouvernement. Un levier dangereux qui repose sur une bulle immobilière pouvant à tout instant crever, provoquer d’énormes ravages financiers et faire chuter le PIB, cette hantise de la direction chinoise en raison de ses effets dévastateurs sur l’emploi qu’elle s’efforce à tout prix de contenir. La stabilité de ce gigantesque pays est à ce prix.
La Chine est engagée dans un délicat rééquilibrage de son modèle de croissance au profit de la consommation intérieure, mais son pilotage est ardu. La croissance de la dette en est la première conséquence. Tous secteurs confondus (public, des particuliers et du secteur financier), elle atteignait 22.960 milliards d’euros fin 2015, soit 249% du PIB, selon l’Académie chinoises des sciences sociales. La dette des particuliers représente plus de 40% du PIB chinois, contre 28% il y a cinq ans et pourrait au rythme actuel rapidement atteindre 70% selon le cabinet GaveKal-Dragonomics. Stabiliser l’édifice que cet endettement représente est une tâche de plus en plus déterminante.
Le ratio de la dette des particuliers demeure encore nettement inférieur à celui des pays développés (il est de 80% aux États-Unis), mais il devance largement celui des autres grands pays émergents. Le vice des pays développés a contaminé la Chine, qui désormais présente une forte addiction à l’endettement, une affection qui ne lui est donc pas propre.
Luttant pour éviter une chute trop importante du PIB, et ne trouvant pas les relais substitutifs correspondants de croissance, le gouvernement chinois a depuis 2014 multiplié les baisses de taux d’intérêt et les mesures destinées à réduire le coût du crédit tout en incitant les banques à prêter davantage. Il a fermé les yeux sur le développement du shadow banking en raison de son dynamisme qui fait défaut au secteur bancaire contrôlé par l’État. Au final, la stabilisation de la croissance qu’il semble être péniblement parvenu à obtenir via le boom spéculatif de l’immobilier reste précaire, et celle du système financier est désormais en question. L’association d’un crédit très bon marché et de l’envolée du prix de l’immobilier (+40% en un an sur le neuf à Shanghaï) a créé une énorme bulle, alimentée par les achats à crédit des jeunes urbains et les placements spéculatifs financés à crédit.
Tout est en place pour provoquer un effet domino dévastateur en cas de brusque retournement du marché. Le scénario en est connu : si les flots de capitaux finissent par se tarir, les prix de l’immobilier s’effondrent, entraînant des défauts de paiement en cascade parmi les promoteurs immobiliers, les petites banques qui les ont suivi, et même certains gouvernements locaux. S’ils sont maintenus, la bulle immobilière enfle d’autant, avec des effets encore plus dévastateurs quand elle éclate ultérieurement.
Comment se paye la croissance à crédit ? Vouloir rééditer l’exploit c’est s’exposer à de sérieuses déconvenues.