LES BANQUES CENTRALES JOUENT PERSO, par François Leclerc

Billet invité.

La BCE s’est découvert une nouvelle mission, une de plus. Elle cherche à corriger les effets négatifs de sa politique intensive d’achats d’actifs, car celle-ci contribue à aggraver le déficit en collatéral qui s’était déjà instauré en raison de sa demande accrue. Un sujet qui régulièrement réapparait timidement dans l’actualité, sur lequel la discrétion est de mise car touchant à un domaine essentiel du fonctionnement du système financier : la garantie des transactions sur le marché du REPO, là où les banques vont se financer à court terme.

La BCE est donnée pour poursuivre son programme d’acquisition de titres souverains (1) au-delà de son arrêt fixé initialement à mars 2017. Celui-ci a déjà été élargi à l’achat d’obligations d’entreprises afin de tenter de relancer le crédit et d’élargir le champ des titres disponibles à l’achat. Ses responsables étudient maintenant comment soulager ce marché névralgique des tensions qui se seraient accrues les semaines passées, et la prochaine réunion du Conseil des gouverneurs du 8 décembre devrait en discuter.

L’institution de Francfort a déjà accepté des garanties de moindre qualité en échange des titres qu’elle prête, mais plusieurs nouvelles hypothèses sont explorées. Les prêts pourraient porter sur une plus longue période, et les amendes auxquelles les emprunteurs sont soumis lorsqu’ils ne les restituent pas à temps pourraient être abaissées. Mais la principale mesure pourrait être d’élargir la nature des garanties acceptées, y compris en cash, quand actuellement seuls les titres souverains le sont.

L’implication de la BCE dans le fonctionnement du système financier ne cesse de se renforcer, d’autant qu’elle est conduite à tenter de corriger les effets de ses mesures. Ou bien de reconnaître, à propos des taux négatifs, qu’une telle situation ne peut perdurer sauf à atteindre trop fortement la rentabilité bancaire. Sa tâche déjà rendue complexe par l’hétérogénéité de la zone euro ne va pas être simplifiée si la Fed, comme cela semble maintenant se confirmer, décide d’entamer la remontée de ses taux.

L’harmonie ne règne pas entre la Fed, la Banque du Japon et la BCE, la disparité des situations qu’elles affrontent les conduisant à adopter des politiques divergentes. Les États-Unis peuvent seuls se prévaloir d’une croissance qui a décollé, le Japon continue de lutter sans succès contre la déflation, et l’Europe se trouve prise entre deux feux dans une situation inconfortable, soumise à des tensions internes qui s’accroissent.

Voilà qui ne va pas rendre ce monde à la dérive plus gouvernable, il s’en faut. Une telle prétention a d’ailleurs disparu et ne va pas réapparaître.

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(1) Au titre de ses programmes d’assouplissement quantitatif, la BCE a fait l’acquisition de plus de 1.300 milliards d’euros de titres souverains ou d’entreprises, qui sont inscrits à son bilan.