Billet invité.
La première puissance mondiale – pour encore seulement quelque temps – change son fusil d’épaule en engageant une vaste redistribution des cartes. Le protectionnisme l’emportant, il n’est plus compté sur la relance des échanges commerciaux pour relancer la croissance, mais sur la réindustrialisation des économies avancées, prenant le contrepied de la période passée.
Dans ce nouveau contexte, la Chine va pouvoir se présenter comme le champion du libre-échange, face à une Europe qui renâcle à l’approfondir et à un président américain élu qui a jeté au panier des traités commerciaux négociés des années durant.
Ce rejet devrait non seulement atteindre le traité avec l’Europe (TTIP), mais également le partenariat transpacifique (TPP), qui a été signé en 2015 par 12 pays de la région mais pas encore ratifié par le Congrès américain. Voilà qui devrait donner à la Chine – qui était visée par cette machine de guerre – les coudées franches pour négocier de nouveaux partenariats commerciaux en Asie ! Lors de la réunion de l’Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (Apec) de ce week-end à Lima, le président chinois Xi Jinping a appelé les autres pays à rejoindre les deux accords commerciaux impulsés par la Chine, le RCEP et le FTAAP.
L’importance de l’ajustement en cours ne peut pas encore être clairement évaluée, mais aura un impact sur le volume des échanges commerciaux internationaux dont le régime de croissance est déjà proche de zéro. Quoi qu’il en soit, il n’y a plus lieu de s’interroger sur les chances de réussite d’une politique de relance reposant sur un rebondissement de la mondialisation. L’interrogation se déplace sur les chances de succès du plan B qui se dessine pays par pays et utilise l’investissement pour levier.
Après l’avoir été au Japon, puis en Europe, des programmes d’investissement sont annoncés aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Donald Trump a lancé le chiffre magique de mille milliards de dollars d’investissements sur dix ans, dont une partie en faveur des nouvelles technologies. Theresa May, qui n’a pas les mêmes moyens, s’en tient à un plan de deux milliards de livres annuel jusqu’en 2020 et place ses espoirs dans la recherche et le développement.
Les modalités du financement du plan Trump demandent à être clarifiées, ce qui n’est pas le cas de celles du plan May, qui sont établies dans leurs grandes lignes. Au Royaume-Uni, l’impôt sur les bénéfices des sociétés, qui est actuellement de 20%, devrait être descendu à 17%, proche des 15% promis aux États-Unis par Donald Trump, pas loin du plus faible taux pratiqué en Europe, soit 12,5% en Irlande (1). La course qui était à l’export change de modèle et devient celle au moins-disant fiscal…
Luis de Guindos, le ministre de l’économie espagnol, préconise de faire reposer la politique de relance de son gouvernement sur la poursuite du libre-échange commercial, l’adoption de réformes structurelles et l’assainissement des banques. Pour la financer, pas question d’accroître la TVA et l’impôt sur le revenu, ce sont les taxes sur les entreprises qui devront y contribuer, grâce au redémarrage de l’économique qui est déjà enregistré. À cet effet, « le gouvernement se prépare à combler les failles fiscales et à supprimer les déductions utilisées par les entreprises », a annoncé le ministre. Les marges de manœuvre sont donc très limitées, dès lors que l’on reste inscrit dans le cadre de la politique fiscale européenne tout en subissant les effets de la crise politique qui en a résulté.
Pour financer une hypothétique relance de la croissance, les recettes publiques sont appelées à diminuer en application d’une politique qui prépare désormais le démantèlement de pans entiers de la régulation financière aux États-Unis, puis en Europe. Le capitalisme financier persiste et signe.
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(1) Ces taux d’affichage n’ont qu’une valeur relative, les méandres de la législation fiscale permettant dans la pratique de les abaisser.