UN PARI A MILLE MILLIARDS DE DOLLARS, par François Leclerc

Billet invité.

Rien de mieux pour impressionner les foules que de manier des montants gigantesques. Afin d’accréditer la promesse du retour de la prospérité faite à ceux pour qui elle n’est qu’un souvenir, Donald Trump a annoncé un programme d’investissement dans les infrastructures de 1.000 milliards de dollars pour les dix années à venir. Les autoroutes, ponts, tunnels, aéroports, écoles et hôpitaux devraient profiter de cette manne, à condition toutefois de trouver leur financement.

Ce plan de relance mirifique n’est pas sans rappeler celui de Jean-Claude Juncker, qui est en cours. L’objectif est de mobiliser 315 milliards d’euros en trois ans dans des projets d’investissement, sans faire appel aux fonds publics. Le plan était au démarrage présenté comme le levier de la croissance, la contrepartie au respect de la politique d’austérité. Fin juillet, 115 milliards d’euros étaient mobilisés, amorce d’une politique européenne dont la suite n’est pas assurée.

Les objectifs et les montants des deux plans sont similaires, et cela ne s’arrête pas à cela, si l’on considère leur financement. Devant la contrainte commune de ne pas mobiliser de fonds publics, chacun pour ses raisons propres, il est dans les deux cas fait appel aux capitaux privés, mais selon des modalités différentes. Le plan Juncker prévoit de garantir les investisseurs privés contre les pertes éventuelles, tandis que le projet américain s’appuie sur une détaxation en leur faveur compensée au budget par des revenus fiscaux provenant de la nouvelle activité qui est engendrée.

En finançant son plan par une baisse des impôts, Donald Trump s’inscrit dans le droit fil du programme du parti républicain avec lequel il doit maintenant recoller. En s’en remettant aux investisseurs privés, il dépend toujours d’une même logique, celle de l’allocation optimum du capital. Mais si s’en remettre au marché et réduire le rôle de l’État est idéologiquement satisfaisant, cela ne garantit pas le résultat. .

Ces plans visent à compenser le sous-investissement public chronique de ces dernières années aux États-Unis et dans l’Union européenne, le prix à payer pour respecter les contraintes budgétaires. En ce sens, ils constituent un rattrapage et sont peu porteurs d’une relance substantielle de la consommation, sans laquelle la croissance s’essoufflera. Les chantiers terminés, l’activité retombera si elle ne trouve pas de relais. Avec comme risque, les attentes de ses électeurs étant fortes, que Donald Trump qui a commencé sur ce terrain désigne à leur vindicte les travailleurs illégaux comme coupables.

Dans ce pays où les noirs sont encore des hommes à abattre et où la possession d’une arme à feu est revendiquée comme un droit fondamental, tout est possible. Au-delà des circonstances, la venue d’un tel personnage aux commandes de la première puissance mondiale ne peut s’expliquer que par la profondeur de la crise dans laquelle nous nous trouvons.