Billet invité.
A Bratislava, les hautes autorités européennes ont bâclé leur prestation, à peine rehaussée par une croisière sur le beau Danube pour un « déjeuner de travail ». Afin de redonner « un nouveau souffle » à l’Europe, les 27 vont retenir le leur jusqu’en mars prochain à Rome, à l’occasion du 60ème anniversaire des traités fondateurs de l’Europe, où ils se sont donné rendez-vous pour conclure leurs réflexions. Angela Merkel et François Hollande ont tenu une conférence de presse à laquelle Matteo Renzi a refusé de s’associer.
Les deux dirigeants partagent à quelques nuances près, un même constat de la situation sans en expliquer les raisons. Pour la Chancelière, l’Europe est « dans une situation critique », et devant le danger d’une « dislocation » pour le chef de l’État français. Une même paralysie les unit sur les deux sujets déterminants : crise des réfugiés et pacte d’instabilité. Se voulant positif, le président du Conseil européen Donald Tusk a bien proposé avec témérité de « corriger les erreurs passées et avancer avec de nouvelles solutions », mais il n’avait en tête que la maîtrise « totale » des frontières de l’Union.
François Hollande a eu le propos plus ample, appelant à renouer le lien « entre les citoyens et l’Europe » et à lutter contre « la montée des populismes ». La pompeusement nommée « déclaration de Bratislava » a dans cette foulée annoncé vouloir donner aux Européens « une vision attrayante de l’Union européenne ». On la cherche en effet !
Les citoyens européens « veulent savoir si les élites politiques sont capables de restaurer le contrôle sur des événements et des processus qui les dépassent, les désorientent et parfois les terrifient », a diagnostiqué Donald Tusk, citant les migrations, le terrorisme, mais aussi la mondialisation. Ils ont maintenant leur réponse. Jamais en mal de phrases qui résonnent dans le vide, François Hollande a fait valoir que « lorsque l’Europe est mise en cause, c’est aussi la démocratie et ses valeurs qui peuvent s’en trouver affectées, abîmées », visant ceux qui « s’en prennent à l’Europe parce qu’ils veulent s’en prendre à un système de valeurs et à un modèle de société ».
Il n’est en tout cas pas question de donner de nouveaux pouvoirs à la Commission, la marche arrière ayant été depuis longtemps enclenchée, « ce n’est pas la recette désirée » a déclaré Donald Tusk. On s’en tiendra donc à une « feuille de route », ce vieux ressort de la diplomatie que l’on tire des cartons quand le chemin est imprévisible. L’accent est mis sur le renforcement de la défense de l’Europe. Ce serpent de mer restait seul disponible en magasin, tous les autres sujets faisant désaccord, avec l’avantage supplémentaire de flatter le discours sécuritaire et les thèmes anxiogènes du moment. L’agenda de Bratislava comportait également la relance économique, l’emploi et la jeunesse – comment trouvent-ils tout cela ? – mais ces « priorités » ne le sont que pour la forme.
Les dirigeants européens ont donc évité tous les sujets qui fâchent. Notamment que les prétendants de droite à l’élection présidentielle française annoncent vouloir prendre des libertés avec les règles budgétaires européennes, sous couvert de concilier redressement économique et réduction des déficits. Ce qui n’est pas passé inaperçu outre-Rhin, où l’on rappelle que de délai en délai cela fait neuf ans que la plaisanterie dure ! Doit-on croire qu’une fois l’élection présidentielle passée, les mauvaises intentions des candidats seront remisées, comme François Hollande n’avait pas tardé à le faire au coup d’avant ? Voilà qui rapprocherait encore un peuple coupable de populisme de ses élites…
Combien de temps cela va-t-il pouvoir encore durer sur ce mode ?