CES BANQUES QUI NE FONT PLUS PARLER D’ELLES, ET POURTANT… par François Leclerc

Billet invité.

Les grandes banques américaines étudient la possibilité d’engager une action en justice contre la Fed, apprend-on dans les colonnes du Wall Street Journal. Rejoignant leurs consœurs européennes, mais en empruntant d’autres chemins, elles entendent elles aussi obtenir un assouplissement des contraintes qui pèsent sur elles sous la forme d’un contrôle moins pesant.

La Fed serait coupable de réaliser dans l’opacité ses tests de résistance annuels des établissements dont la taille du bilan dépasse 500 milliards de dollars (trente-trois l’an dernier). Si elle a apporté des précisions aux modèles mathématiques qu’elle utilise, la banque centrale se refuse en effet à dévoiler sa méthodologie, craignant que les banquiers ne s’en servent pour contourner ses analyses. Aux yeux de ceux-ci, elle interfère dans leur conduite des affaires en interdisant la distribution des dividendes aux actionnaires et en influençant leur évaluation sur le marché.

Dernier grief, la Fed décide unilatéralement des scénarios catastrophe dont elle teste l’impact sur les bilans bancaires, susceptible de violer l’Administrative Procedure Act. Il est loin le temps où les banques et les régulateurs réglaient derrières des portes capitonnées leurs affaires, la crise financière est passée par là, ne laissant pas la même place à la négociation. Au contraire, la Fed n’hésite plus à épingler nommément les banques qu’elle estime fautives.

Les mégabanques supervisées par la Fed vont-elles ou non passer à l’acte et engager une procédure ? Plutôt que de monter en première ligne, elles pourraient préférer laisser agir des tiers, à moins qu’elles ne se satisfassent dans l’immédiat d’un coup de semonce.

Les banques européennes peuvent de leur côté se satisfaire d’avoir tué la taxe sur les transactions financières, devenue un serpent de mer. Discrètement, elles pèsent de tout leur poids aux côtés de leurs consœurs américaines contre la poursuite de la politique de taux négatifs de la BCE et du Japon, ayant déjà obtenu que la Fed ne s’y rallie pas. Résultat, on aura noté à Jackson Hole, ou bien dans les récentes déclarations du FMI, que l’accent est désormais mis sur les dégâts collatéraux que les mesures des banques centrales peuvent créer, en premier lieu les taux négatifs.

En Europe, les systèmes bancaires nationaux continuent d’être aux prises avec leur restructuration, la France continuant à faire exception mais pour combien de temps ? Manifestement, le tour du système bancaire allemand est venu, ses faiblesses ne pouvant plus être dissimulées. La saga du sauvetage du géant Deutsche Bank, qui est désormais valorisé à un tiers de sa valeur comptable, se poursuit. Après avoir examiné et rejeté les options à sa disposition, la banque allemande est à la recherche d’un nouveau modèle, en raison de la faiblesse de son rendement que les taux bas ou négatifs accroissent encore.

On a appris qu’une fusion avec Commerzbank, la seconde grande banque allemande, a commencé à être étudiée par leurs dirigeants, ce qui aurait donné lieu à la naissance d’un colosse de 2.000 milliards d’euros de taille de bilan. Dans le genre fuite en avant, on ne peut pas mieux trouver, et ce n’est que partie remise. Une fois le ménage et une cure d’amaigrissement réalisés au sein de ces deux banques, la Commerzbank à peine stabilisée après avoir été renflouée sur fonds publics dès 2009, cet objectif resurgira sans nul doute. C’est seulement ainsi que pourra être digéré l’énorme paquet de produits dérivés que la Deutsche a en portefeuille, par la fusion des deux grandes banques malades.

Exemple accompli de banque trop grosse pour faire faillite, la Deutsche n’est pas seule en cause. Sous les instances pressantes de la BCE, la restructuration a débuté au niveau des Landesbanken, les banques des régions. Deux d’entre elles, Bremer LB et Nord LB, vont fusionner afin d’éviter une importante recapitalisation de la première. Sur le marché de la banque de détail, des caisses d’épargne et des coopératives, une consolidation s’impose également en raison de l’intense concurrence qui y règne.

La Commission est silencieuse à ce propos, ayant d’autres soucis en tête. Pierre Moscovici, le commissaire aux affaires européennes, a entamé un numéro d’équilibriste à propos des règles du pacte de stabilité. Un débat à leur propos est « légitime » affirme-t-il, mais il ne doit pas remettre le pacte en cause, apportant comme précision capitale que « je souhaite que le débat sur les règles soit un débat qui se déroule dans les règles du pacte de stabilité et de croissance ». De la haute voltige est au programme à Bruxelles, Angela Merkel s’étant défaussée sur la Commission.