LES DEUX FACES DE L’INTRUSION DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DANS L’INFORMATION par François Leclerc

Billet invité.

Qu’ils lisent le quotidien papier, son site Internet, son service twitter, ou consultent son bot sur le service Messenger de Facebook, les lecteurs du Washington Post qui suivent la couverture des Jeux Olympiques ne peuvent pas déterminer si un journaliste ou un robot est à l’origine du traitement des informations qu’ils consultent.

Le journal a développé en interne Heliograf, et le commercialise, un système qui fait appel à la technologie deep learning et qui prend en charge de multiples informations, pour les restituer sans intervention humaine. Il fournit – sous forme de courtes phrases, si nécessaire – non seulement les horaires quotidiens détaillés des épreuves, dont il alerte du démarrage, mais aussi leurs résultats et de nombreuses statistiques, le tout mis à jour en permanence. Heliograf décharge les journalistes de ces tâches afin de leur permettre d’accroitre leur production de « papiers couleur », de commentaires et d’analyses, dans le but d’enrichir la copie et de la différencier de celle de la concurrence.

Le Washington Post annonce que ce système va être utilisé à l’occasion des élections présidentielles américaines, ainsi que, dans l’avenir, lors de tout évènement, Heliograf prenant en charge une partie du travail rédactionnel. Mais ses concepteurs voient plus loin et veulent lui donner des capacités prédictives grâce à la mise en œuvre d’algorithmes spécialisés (data mining – exploration des données). En combinant l’analyse de sources informatives différentes, le système alertera les journalistes d’histoires à couvrir pouvant survenir. Par exemple d’actions criminelles qui pourraient intervenir dans un périmètre géographique donné.

Cette intervention des nouvelles technologies provenant des progrès réalisés dans le domaine de l’Intelligence Artificielle a également une face sombre. Sur les réseaux sociaux, qui sont de plus en plus des intermédiaires dans l’accès à l’information, il est confié un rôle de plus en plus important aux algorithmes, qui sont autant de boîtes noires. En se substituant aux journalistes pour déterminer automatiquement la hiérarchisation de l’information, en fournissant des informations personnalisées en fonction de centres d’intérêts déterminés par des consultations précédentes, mais excluant les autres, ou bien encore en sélectionnant les sites d’information dont les dépêches vont être reprises, au détriment d’autres condamnées à dépérir. Toutes fonctionnalités qui ont d’importantes conséquences sur les contenus informatifs qui sont délivrés.

Les journalistes ont certes à la fois leurs titres de gloire et leurs abandons notoires, mais de quoi pourra-t-on demain créditer des algorithmes dont la conception ne fait l’objet d’aucun contrôle – et sont protégés par le secret commercial – et qui vont de plus en plus les remplacer ?