Billet invité.
La victoire éclatante du Mouvement des 5 étoiles aux élections municipales de Rome et de Turin confirme ce que les sondages annoncent en Espagne : de nouveaux mouvements anti-système et des configurations politiques inattendues prennent le pas sur les partis de gouvernement en Europe. Ce qui n’est pas sans rappeler la victoire de Syriza en Grèce, ainsi que celle du Parti socialiste appuyé par le parti communiste et le Bloc de gauche au Portugal, que l’on peut ranger dans la même famille.
En Italie, le Mouvement des 5 étoiles l’a emporté avec des marges plus fortes que prévues, après avoir bénéficié des voix d’électeurs de tous horizons opposés au parti démocrate de Matteo Renzi. Cela accrédite l’hypothèse que ce dernier pourrait à l’automne perdre son referendum portant sur des réformes constitutionnelles, auquel cas il a annoncé qu’il démissionnerait. En Espagne, l’alliance de Podemos et de la Gauche unie devance nettement le PSOE et s’affirme dans les sondages comme la première force d’opposition au parti populaire toujours dirigé par Mariano Rajoy, à l’occasion des législatives du 26 juin, sans toutefois obtenir une majorité gouvernementale. L’ancien système est rejeté sans qu’un nouveau s’impose.
Peu à peu, la politique européenne néo-libérale perd ses points d’appui gouvernementaux, dans le contexte d’un délitement de l’Union européenne et d’une montée de la xénophobie. Pénétrés de leur pensée dogmatique, ses artisans accentuent la dynamique de crise politique en ne voulant pas en démordre. Les repères et appartenances traditionnels de la vie politique s’estompent. La classe politique est discréditée, et avec elle tous ceux qui apparaissent comme étant ses comparses.
Ces référents qu’étaient les grands intellectuels ont disparu. Les mots en « isme » également, qui sont totalement dévalorisés. Il n’y a plus de pays et d’expérience modèle. Les contestataires et les rebelles sont laissés à eux-mêmes, ce qui est finalement une bonne chose si l’on en réfère au passé. Mais cela a pour conséquence d’éloigner l’avènement d’une société émancipatrice, car du temps est nécessaire pour que s’accumule une expérience collective.
Puisqu’il s’agit d’une lutte pour le pouvoir, et qu’il faut en déposséder ceux qui le détiennent pour l’organiser tout autrement, il n’est pas seulement question d’idéologie mais aussi de rapport de force. Là, les choses se compliquent. Les vieux débats ne sont pas d’une grande utilité. Déjà prévaut l’idée que les mouvements doivent être massifs pour être irrésistibles. Mais ceux-ci s’épuisent s’ils ne remportent pas de premières victoires qui les confortent, ce qui renvoie aux objectifs qu’ils se donnent. Hier les avant-gardes étaient considérées comme étant la clé, aujourd’hui c’est le programme qui lie les luttes d’aujourd’hui à la société de demain qui en joue le rôle, rendant cette dernière crédible.
Nous assistons au début de qui est appelé à se développer.