Billet invité.
Le sauvetage des banques italiennes n’est pas bien parti. Les trois cinquièmes des fonds d’Atlante – le dispositif crée pour les renflouer afin d’éviter des bail-in aux effets politiques désastreux – ont déjà été utilisés pour recapitaliser seulement deux des banques coopératives. Or celles-ci croulent toutes, à des degrés divers, sous le poids de prêts potentiellement impayés, rebaptisés prêts non performants (NPL, selon l’acronyme anglais en usage) comme si les mots pouvaient alléger la peine.
Selon Luigi Zingales, un professeur italien de l’université de Chicago, il est inévitable d’entrer dans un programme de recapitalisation des banques italiennes, sur le modèle de celui dont l’Espagne a bénéficié. Il appartiendrait alors au Mécanisme européen de stabilité (MES) de suppléer aux grandes banques italiennes pour le financer, car elles n’en ont pas les moyens et pourraient à leur tour sombrer en s’y risquant.
Le SSM (Single Supervisory Mechanism) de la BCE prépare de son côté un rapport sur les 130 banques qu’il supervise, excluant les moins importantes mais pas nécessairement les moins frappées. Comme d’habitude, l’un des enjeux est de savoir à quel niveau de détail il sera descendu lors de sa publication. Délicate attention, il ne faudrait pas stigmatiser une banque ou même un pays ! Le SSM est pris entre deux impératifs contradictoires : convaincre de la qualité de sa supervision et ne pas pointer du doigt sur ce qui est par trop problématique. L’exercice est hautement politique.
Consolation pour le gouvernement italien, il ne serait pas seul sur la sellette, car le SSM entend aussi évaluer le portefeuille en produits dérivés des grandes banques nord-européennes, dont la Deutsche Bank, ce qui est une toute autre affaire. La grande malade se trouve déjà au cœur d’une contradiction, pouvant difficilement éviter sa recapitalisation tout en faisant face cette année à une chute de 35% de la valeur de ses actions, pour le moins peu incitative pour les investisseurs. Les analystes ne croient pas que les cessions d’actifs et les réductions de coût en tous genres permettront d’en faire l’économie alors que la banque a accumulé 12,5 milliards d’euros d’amendes et de condamnations… De nouvelles pertes pourraient être annoncées pour l’année en cours.
Les grandes banques françaises et italiennes cherchent de leur côté à limiter « le ratio d’exigence de fonds propres et passifs » (MREL), dont l’étude à l’échelle européenne traîne, qui est destiné à s’inscrire dans le cadre de la fameuse « capacité d’absorption des pertes » (TLAC) décidée par le G20. Dans un document qui a fuité, elles demandent que le MREL ne dépasse pas 8% de la taille de leur bilan. Or le Mécanisme de résolution unique (MRU), qui a autorité dans ce domaine, envisage un ratio plus élevé, la Commission acceptant la possibilité qu’il en soit ainsi, mais seulement au cas par cas. Ce genre de débat se conclut généralement par l’obtention de délais supplémentaires pour atteindre les ratios exigés. Actuellement, les banques ont jusqu’à 2020 pour y satisfaire.
Le secteur des assurances a aussi son superviseur : l’EIOPA, qui va lancer de nouveaux stress tests sur le secteur. Il est en effet soumis aux risques additionnés de la conjoncture économique et d’un risque emprunteur accru, et il voit ses marges se rétrécir en raison des bas taux d’intérêt. Signe des inquiétudes : plus d’établissements de petite et de moyenne taille vont subir les tests par rapport aux précédents de 2014. Les résultats seront dévoilés en décembre prochain, mais il a déjà été annoncé que même la liste des compagnies d’assurance faisant l’objet des tests restera secrète… On ne se refait pas.
Dans le contexte des élections allemande, française et italienne à venir, il ne va pas falloir s’étonner si tout va être déclaré étant sous contrôle. Sur le mode des militaires qui, pour ne pas reconnaître une retraite, annoncent procéder à un repli tactique sur des positions préparées à l’avance.