AU TABLEAU DU DÉSHONNEUR, LA GRÈCE, par François Leclerc

Billet invité.

La Grèce reste à l’épicentre de ses crises. Celle des réfugiés donne de nombreux signes d’être prête à rebondir, et celle de son sauvetage de continuer à opposer ses créanciers.

L’Euro working group – qui prépare les réunions de l’Eurogroupe – n’a pas trouvé de solution miracle pour satisfaire le FMI. Celui-ci continuerait d’exiger que la restructuration de la dette entre en vigueur sans attendre la fin programmée du plan de sauvetage du pays, s’appuyant sur des projections économiques et financières divergentes de celles de la Commission. Dans ces conditions, il restera à trouver à l’Eurogroupe du 24 mai prochain la formule qui permettra de sauver tant bien que mal les apparences…

Une partie des négociations en cours est connue, une autre n’est pas établie, qui permettrait de mieux comprendre pourquoi le gouvernement grec n’a pas choisi le camp du FMI : la BCE lui aurait laissé miroiter qu’elle s’apprête à faire rentrer la Grèce dans son giron à l’occasion de sa prochaine réunion du 2 juin. Les banques grecques pourraient avoir à nouveau accès à ses guichets, cessant de dépendre des onéreuses liquidités d’urgence de l’ELA (Emergency liquidity assistance), et les titres de la dette grecque seraient admis au programme d’achat obligataire de la banque centrale, ce qui pourrait détendre leur taux. Deux décisions qui, si elles sont confirmées, auront incontestablement pesé dans la balance. Dans le court terme, elles faciliteront la tâche du gouvernement grec et accréditeront l’idée qu’une normalisation est en cours, mais elles ne changeront rien à plus long terme si le FMI a raison…

Les autorités turques et européennes sont quant à elles proches du point de rupture. Le président turc n’entend pas émousser sa loi anti-terroriste, mais au contraire la renforcer, et fait le pari qu’il obtiendra quand même l’exemption des visas pour les citoyens turcs, son principal objectif politique dans le contexte de la présidentialisation renforcée du pouvoir qu’il prépare. Le jeu est serré car il ne laisse pas d’autre choix aux dirigeants européens que de se déjuger.

Le président turc a les cartes maîtresses en main car si jamais il en venait à interrompre la surveillance de ses frontières maritimes, la Grèce serait à nouveau submergée par les réfugiés. Angela Merkel qui a opéré un rétablissement en négociant avec les autorités turques, connaitrait alors un échec majeur annonçant sa fin prochaine.

Dans la pratique, le plan d’endiguement des réfugiés donne par ailleurs de plus en plus de signes de son mauvais fonctionnement. A l’appui de celui-ci, les autorités européennes font état de l’importante diminution des arrivées de réfugiés dans les îles, mais ceux-ci continuent d’être accueillis au compte-goutte au sein de l’Union européenne dans le cadre des accords de « relocalisation » prévu pour 160.000 d’entre eux. Et les autorités grecques ne renvoient en Turquie que ceux qui n’ont pas obtenu le droit d’asile, en nombre réduit. Ces deux phénomènes additionnés, la Grèce continue d’accueillir tant bien que mal – et plutôt mal que bien – une cinquantaine de milliers de réfugiés. C’est tout ce que l’Europe peut leur offrir dans l’immédiat et ce n’est pas acceptable. Le rapporteur de l’ONU sur les droits des migrants, François Crépeau, qui ne se satisfait pas du placement en détention des réfugiés, dont des enfants, sur les îles grecques, considère cette contrainte et ces conditions comme étant « pas optimales » et « déplacées ». Il appelle à y mettre fin.