Billet invité.
Tandis que François Hollande réaffirme à Beyrouth et à Amman « le soutien et la solidarité de la France » aux autorités libanaises et jordaniennes, les félicitant pour ce qu’il ne fait pas en accueillant massivement les réfugiés syriens, il se confirme qu’une nouvelle vague d’entre eux cherche à atteindre l’Italie depuis la Libye. Des dizaines de milliers de syriens sont par ailleurs bloqués aux frontières turque et jordanienne, au nord et au sud de leur pays.
Les chiffres du HCR sont terribles : en cinq ans, plus de la moitié de la population syrienne a fui les combats. 4,7 millions en se réfugiant hors du pays et 7,3 millions en cherchant un refuge à l’intérieur. Dans la région, 2,8 millions de réfugiés seraient en Turquie, 1,5 million au Liban, 630.000 officiellement en Jordanie (mais ils seraient plus de 1,5 million), 250.000 en Irak et 260.000 en Syrie. Les chiffres de ces estimations ne se raccordent pas.
Leur situation n’est pas enviable, c’est particulièrement le cas de ceux qui n’ont nulle part où aller et se trouvent bloqués le long d’une frontière qu’ils ne peuvent franchir. En forte augmentation ces derniers mois, ils sont 150.000 aux points de passage de Hadalat et de Robante à la frontière jordanienne, d’après les autorités du pays. Selon Médecins sans frontières, 100.000 autres sont pris au piège à Azad et dans ses alentours, au nord d’Alep et à la frontière avec la Turquie. Le flux des nouveaux arrivants est continu. Human Rights Watch (HWR) rapporte que 30.000 réfugiés viennent de fuir les combats tout proches qui opposent les milices islamistes et l’Armée syrienne libre. Des gardes-frontières turcs auraient selon elle tué 16 réfugiés, dont trois enfants, en leur tirant dessus alors qu’ils s’approchaient d’une frontière que les autorités d’Ankara garde obstinément fermée.
La « zone de sécurité » que celles-ci prétendent avoir institué en Syrie en construisant des camps ne l’est pas, la région connaissant d’incessants affrontements entre les milices islamistes, kurdes ou des rebelles syriens qui convoitent les mêmes territoires. Désormais dans l’obligation de ménager le gouvernement turc, les autorités européennes gardent le silence. Celui-ci poursuit sa stratégie d’endiguement des Kurdes de Syrie qu’il camoufle derrière des objectifs présentés comme humanitaires, mettant en péril les réfugiés.
Les dirigeants européens s’affairent en Libye, conscients du danger que représente la présence de milliers de combattants islamistes, dont le nombre s’accroit, et de la menace d’un nouvel arrivage de réfugiés en Italie, une fois la Méditerranée traversée à leurs risques et périls. Selon le HCR, près de 10.000 réfugiés auraient déjà atteint l’Italie fin mars, le triple de l’année précédente à la même période. Les estimations les plus variables circulent à propos du nombre de ceux qui pourraient chercher à suivre leur exemple, mais il est très important.
Un troisième gouvernement chargé d’unir les deux existants et soutenu par les Nations Unis a été mis en place sur le territoire libyen, dont le siège est prudemment installé dans une base navale, pendant que les visites de ministres européens se succèdent en Libye à fin de consolidation, avec comme priorité de contenir le flux migratoire. Au programme, création et formation de garde-côtes libyens, lutte contre les passeurs et renforcement des forces navales de l’opération Sofia qui opèrent au large des côtes, en attendant de pouvoir les autoriser à pénétrer dans les eaux territoriales, afin de pouvoir refouler les réfugiés interceptés sur des embarcations de fortune.
À cette intense activité doit être opposé le calme plat qui règne en Europe afin d’accueillir officiellement des réfugiés. Selon le dernier pointage, le chiffre de 600 serait péniblement atteint sur un objectif de 160.000. Sur les îles grecques, les autorités ont été contraintes de libérer des places dans les camps dits de rétention afin d’y emprisonner les nouveaux arrivants. Le rythme a considérablement baissé, mais il représente toujours 3.000 réfugiés par mois. Au bout de 25 jours, les réfugiés sont laissés à eux-mêmes dans les îles, avec interdiction de tenter de s’en échapper. Ils sont déjà 7.500 dans ce cas qui vont attendre le verdict pour savoir s’ils ont ou non droit à l’asile. Le va et vient des navires de Forex chargés des refoulements en Turquie n’a pas encore repris, faute du nombre suffisant de réfugiés n’ayant pas demandé l’asile ou ne l’ayant pas obtenu.