Billet invité.
Annoncer une prochaine raréfaction de la quantité de travail disponible suscite le scepticisme de ceux qui sont convaincus que de nouveaux emplois viendront remplacer ceux qui seront perdus, comme tant d’autres évidences qu’il n’est pas pour eux nécessaire de démontrer. Il y a pourtant un secteur dans lequel le phénomène s’affiche clairement dès à présent, c’est celui de l’industrie financière.
Une étude de la banque américaine Citigroup prévoit que 30% des emplois du secteur des banques de détail américaines et européennes auront disparu au cours des dix ans à venir, ce qui représente la suppression de 1,7 million d’emplois. La réduction des coûts et l’impact des fintech, les technologies financières, en sont les deux moteurs combinés.
Les banques de détail se préparent à faire face à une nouvelle concurrence sur les deux marchés du crédit et du payement. D’après Citigroup, le premier représente 57% de leurs profits et le second 7%. Les nouveaux venus s’appellent notamment Lending Circle ou Funding Club ; s’ils ne représentent que 1% de parts de ces marchés aujourd’hui, ils constituent une menace à ne pas négliger car ils s’appuient sur le modèle performant du pair au pair et sont annoncés comme candidats au déploiement de la technologie de la Blockchain.
Perdre des parts de marché est une perspective préoccupante pour des banques dont les marges mirobolantes d’antan sont déjà fortement réduites par les contraintes de la régulation financière et les bas taux d’intérêt, alors qu’elles ne peuvent espérer se rattraper sur le volume d’affaires, étant donné la faible demande de crédit.
Devant la menace qui pèse sur le segment des payements internationaux, la messagerie Swift – dont les grandes banques sont les actionnaires – a de son côté réagi. Fondée en 1973 pour remédier à l’obsolescence du réseau Telex utilisé pour assurer les transferts bancaires face à l’essor du commerce mondial, cette société exploite des liaisons numériques de télécommunication pour le compte des banques, des sociétés de courtage, des chambres de compensation et des Bourses.
Face à l’émergence de nouveaux systèmes de payement ultra-rapides qui contournent le système bancaire, Swift lance avec 45 banques mondiales l’expérimentation d’une nouvelle procédure intraday (dans la journée) pour assurer les transactions internationales dans le cadre d’une « Global Payment Innovation Initiative » (pourvue de son inévitable acronyme GPII).
À la différence de la mutation précédente – ou de celle qui la menace potentiellement – celle qui s’annonce en plus modeste ne résultera pas cette fois-ci de l’application d’une innovation technologique mais de l’optimisation des procédures internes aux banques, en aval et en amont de Swift. Elle permettra également d’assurer la traçabilité d’une transaction donnée en suivant ses étapes au sein du réseau.
Le monde financier est en mutation accélérée. Soumises à des règles de régulation qu’elles peinent à digérer, les banques ne peuvent espérer renouer avec leurs mirobolants rendements antérieurs et cherchent à s’adapter à un nouveau contexte difficile à cerner. Dans la zone euro, mais pas uniquement, elles subissent la politique de taux négatif de la BCE sans oser la répercuter sur les dépôts. Enfin, elles ne peuvent espérer que très partiellement se rattraper en facturant leurs services à leur clientèle. On entend même annoncer que leur modèle économique va devoir évoluer, c’est tout dire…
Heureusement, les banques peuvent encore s’appuyer sur la partie exemplaire du monde financier, la gestion de fortune, et aller chercher leur bonheur sur les marchés à risque, prémunies de celui-ci car capitalisées comme jamais elles ne l’ont été. A ceci près que les détenteurs des titres de leur propre dette craignent d’en faire les frais, comme l’épisode de la Deutsche Bank l’a montré, et que les Bourses où les valeurs financières baissent pavillon le font savoir. Être banquier n’est pas une sinécure et réclame beaucoup de talent…